La simplicité.

La méditation de mahâmudrâ.

Quand je médite la suprême attitude,
je reste sans effort au faîte de la vraie nature des choses.

Détendu, je m'établis dans une sphère sans agitation,
Dans la clarté de l'ouverture d'être,
Dans la connaissance de l'état de félicité,
Dans la splendeur éclatante de la non-délibération,
Dans la sérénité face aux multiples manifestations.

Ainsi établi en la nature de l'esprit,
sans trouver d'obstacles, la compréhension décisive paraît.

Sans effort, la clairvoyance accomplit toutes tâches.
Quel bonheur que ce Fruit qui n'est pas resté simple souhait !
Quel plaisir que d'avoir abandonné les espoirs et les craintes ! Les illusions devenues sagesse ultime, quelle joie !

Auteur inconnu



Il suffit simplement de laisser son esprit en son état naturel, tel qu'il est, comme il vient, sans artifice ; c'est extrêmement simple. Dans la tradition du "Mahâmudrâ reliquaire", il est dit que mahâmudrâ est : trop proche pour être reconnu ; trop profond pour être saisi ; trop simple pour être cru ; trop merveilleux pour être saisi par l'intelligence. Tels sont les quatre obstacles qui empêchent de reconnaître mahâmudrâ.

Façon de pratiquer mahâmudrâ : Gampopa dit : "l'eau sans agitation est limpide, l'esprit sans contrainte est heureux". Comme l'exprime cette citation, laissons l'esprit sans contrainte, détendu, sans le forcer aucunement, complètement relâché, et il viendra alors naturellement en un état de bien-être. En effet, si l'esprit n'est pas contraint, il est naturellement paisible et limpide... Dans cet état, l'esprit ne se pose pas sur quelque point de repère extérieur ou intérieur, il reste dégagé de toute fixation, sans être contrôlé. Il n'y a pas non plus d'évaluation de l'esprit comme étant vide, lucide ou de quelque manière que ce soit : ni même d'observation, car regarder l'esprit, fut-ce sa vacuité, sa lucidité ou quelque notion que ce soit, serait encore une vision dualiste qui prendrait l'esprit, la vacuité ou la lucidité (autoconnaissance) pour références. Mais il ne s'agit pas non plus de ne pas voir, car il ne faut pas que s'interrompe le cours de l'attention vigilante, de la lucidité. Il est donc nécessaire de garder une vision claire. C'est comme un endroit où la lumière est allumée : voir clairement n'exige aucun effort spécial : la clarté est naturellement présente. L'esprit reste ainsi sans s'engourdir ni sombrer en une sorte d'opacité obscure. L'esprit reste translucide, en un état de transparence lucide et dégagé. Le ciel est naturellement clair et ouvert : de même l'esprit, pour autant qu'il soit laissé "tel quel" en son état naturel... Laissant ainsi l'esprit dans un état de présence totale : sans l'orienter vers le passé ou le futur, sans ressasser le passer, ni aller au-devant de l'"à-venir" ; sans penser "j'ai fait ceci ou cela, je ferai ceci ou cela" ; laissant l'esprit juste vigilant, "tout simplement", sans le contraindre, sans rien y changer, en l'"instanéité présente" encore nommée "présence d'instantanéité" - "datar gui chépa" -, nous méditons. Si l'esprit reste vraiment ainsi, "tel qu'il vient de lui-même, tel qu'il est en lui-même" c'est ce qu'on appelle "rangbap" - c'est ainsi qu'on nomme "l'esprit ordinaire" - ou encore l'esprit d'immédiateté - "datar gui chépa". Réalisé, c'est l'esprit de mahâmudrâ".

Kalou Rimpoché, Bouddhisme profond : Tradition tibétaine, Broché, Paris, 1993.