Je vous invite à lire une biographie d'un maitre de l'inde, surnommé affectueusement "papa ramdas" par ses disciples.

Il incarne merveilleusement le don de soi, le renoncement et l'humilité.

C'est un des maitres qui m'a le plus touché de part  sa simplicité hors du commun.

 

Ram, au dela de l'avatar, héros du Ramayana, était pour Ramdas une totalité sans aucune dualité, un pur amour dans lequel il s'est abandonné sans aucune peur.

Il n'hésita pas à braver les dangers de l'époque pour rencontrer les maitres et temples. Il traversa la jungle ou peu pouvaient survivre, toujours protégé par une foi sans faille envers"Ram", le faiseur de paix"

Son livre "Carnet de pèlerinage"(poche) décrit l'ambiance de l'Inde de l'époque, nous dépayse d'un  lieu de pélérinage à la foule constante et aussi la solitude qu'il traversait, le nom de Ram toujours sur ses lèvres.


http://www.youtube.com/watch?v=aegTdlj3qWM


 

 

BIOGRAPHIE 

DE 

PAPA  RAMDAS

 

 

Les Saraswats

 Le nom de naissance de Swami Ramdas est Vittal. Son nom de famille Trikanad.

 Il est né à Hosdrug, ville du Kérala, un état de l'Inde du sud. Il appartient à une famille brahmane de la communauté des Saraswats.

 Hautement cultivés, les Saraswats tiennent le premier rang en Inde pour l'éducation de leurs enfants. Adaptables à tous les environnements, ils ont des vues avancées sur les réformes sociales.

Vers la fin des années 1860, deux familles Saraswates s'installent à Hosdrug : les Trikannad et les Padukone, familles grand paternelle et grand maternelle de Vittal. Elles vivent en harmonie depuis longtemps ; déjà un mariage les a réunies.

 

Famille grand-paternelle

  Shamarao Padukone se marie avec Lalithabaï, la troisième fille de la famille Trikannad. Balakrishnarao, fils aîné de Shamarao est le père de Vittal

 

Bakakrishnarao

 Vittal naît à Hosdrug le 10 Avril 1884. jour de pleine lune. Vittal naît à midi. Que de lumière ! Sous les tropiques, en Avril, le soleil est au meilleur de sa force !

 Ce jour là, c'est la fête dite " Hanuman Jayanti ", qui célèbre la naissance de Hanuman. Or Hanuman est, d'après la tradition, un homme-singe , le meilleur et le plus fidèle serviteur du Roi Ramachandra ; autrement dit Rama, ou Ram . Troublante coïncidence pour la naissance de Vittal, qui deviendra "Ramdas", ce qui veut dire serviteur ("das") ou même esclave de Ram.

   Jeunesse

 Le jeune Vittal est à la fois un cheval fougueux et une âme intérieure, de celles qu'on ne saurait contraindre à entrer dans un moule. Aussi, bouillant de nature et sans-souci de disposition, il s'absente souvent de l'école. Il a soif de liberté, et supporte difficilement les contraintes en lesquelles l'école et la famille le veulent contenir.

Un trait de son caractère, qui se dessine dès l'enfance, c'est qu'il n'a pas la moindre ambition pour quelque position mondaine, bénéfice ou récompense. Alors qu'en classe beaucoup d'enfants attendent des résultats aux examens ou des applaudissements de leurs camarades ; alors qu'à la maison ils se sentent flattés par un mot de louange de leurs aînés pour souligner leur succès, leur intelligence ou leur sagesse, de tels désirs sont totalement absents de Vittal.

Malgré son travail sans conviction, Vittal ne redouble jamais une année scolaire Après la troisième classe, dernier niveau de l'école primaire anglaise, il est envoyé à Mangalore pour suivre des études secondaires à la Mission High School, école dirigée par des missionnaires chrétiens allemands

Etudes à Mangalore et Udipi.

 Par plusieurs de ses professeurs, il est considéré comme une personne qui se trouve là pour occuper une place sur un banc. C'est pourtant à partir de cette époque qu'il va ressentir une soif interne de connaissances générales et qu'il devient, pour son âge, un jeune homme très à la page sur bien des sujets. Car, bien qu'il se refuse à se bourrer le crâne de matières scolaires, il est un lecteur vorace de tous les livres d'intérêt général sur lesquels il peut mettre la main. 

 Son intelligence est d'un haut niveau. Il fait immédiatement sien ce qu'il lit. Alors qu'un garçon moyen traîne sur les leçons, il n'a jamais à le faire. Il est étranger à ce qu'en langage scolaire on appelle "bachotage".

Comme on peut s'y attendre, Vittal traîne dans ses études. On annonce l'examen de sélection pour l'entrée à l'université. Il le passe, et bien sûr le résultat est négatif ; mais cet échec a peu d'effet sur Vittal qui n'en est pas perturbé.

L'influence majeure que Vittal reçoit pendant son année d'études à Mangalore est un contact avec la Bible. La définition chrétienne :"Dieu est amour" enchante Vittal, qui apprend indirectement le pouvoir de la bhakti des Hindous, et la profondeur des enseignements du Christ et du Bouddha. Le grand idéal de l'amour divin enflamme le coeur de Vittal ; il va influencer sa vie.

L'année d'après, Vittal change d'école : il est envoyé à la Christian High School de Udipi.

A Udipi ses études ne sont pas meilleures.

Il réussit pourtant à être sélectionné pour passer son examen. Il se rend à Kasaragod chez un oncle généreux, dans le but de préparer cet examen. Or l'oncle avait une importante bibliothèque remplie de livres religieux, en particulier ceux de la Société Théosophique. Voilà Vittal lisant Madame Blavatsky, puis Annie Besan, ce qui lui donne des connaissances nouvelles et pleines d'intérêt sur les mystères des religions, spécialement l'Hindouisme, mais ne le prépare en rien à son examen. Et, comme il a entendu parler des deux grands saints Sri Ramakrishna Paramahamsa et Swami Vivekananda, il se documente sur ceux-ci.

Ce qui fait qu'au total il est recalé à son examen et revient chez lui à Hosdrug.

 Essais dans l'art.

A cette époque Vittal a 15 ou 16 ans

 Ses parents décident que leur fils n'étant pas fait pour les études, et ils l'inscrivent à l'Ecole des Beaux-Arts de Madras Là, le travail  lui convient tout-à-fait. C'est avec une belle ardeur qu'en six mois il rattrape un niveau qui demanderait deux ans d'ordinaire. Hélas, il se rend vite compte que la durée de ces études est très longue - 7 ans - et qu'elles ne le conduisent vers aucun débouché.

Au Jubilee Technical Institute de Bombay

Une autre opportunité s'offre alors à lui. Dhareshwar Sadavhivarao, un Saraswast de Madras offre en mémoire de son père la scolarité pour deux étudiants au Victoria Jubilee Technical Institute (V.J.T.) de Bombay. Vittal est sélectionné, et il est d'accord pour saisir cette chance. Ces études feront de lui un technicien supérieur en textiles.

 

VVitalrao étudiant

Le jeune homme continue à considérer les études comme ennuyeuses et contraignantes et donc à les aborder du même biais qu'il avait toujours adopté ; il passe le plus clair de son temps à lire les livres qu'il trouve dans les bibliothèques de la ville, "n'importe lequel et de n'importe quelle sorte, sur n'importe quel sujet que l'on puisse concevoir".

C'est à ce moment là qu'il tomba sur des livres publiés par l'Association Américaine de Presse des Rationalistes , et lit les oeuvres de Ernst Haeckel ("The Riddle of the Universe"), Grant Allen ("The Evolution of the Idea of God") et autres. Ces textes mettent son esprit en feu, et la foi, initiée par une famille traditionnelle, puis longuement nourrie par son aspiration naturelle, disparaît, balayée d'un coup. Dès lors il désire adhérer l'Association Rationaliste, afin de pouvoir en lire les dernières publications et être ainsi à jour des idées, scientifiques, qu'elle enseigne. Il sollicite une adhésion. Jamais il ne reçoit de réponse !

  Alors, il tombe sur les oeuvres de Swami Rama Tirtha et de Swami Vivekananda Paramahamsa. Le terrible renoncement, et le pouvoir spirituel jupitérien de Vivekananda, qui lui permet de porter à bout de bras le message du Védanta au delà des mers loin du pays où les anciens Rishis l'avaient semé, tout cela rend de nouveau le coeur de Vittal fertile. Cette foi morte se met à repartir et croître, et si rapidement qu'elle passe en peu de temps de la totale négation à l'affirmation de l'existence de Dieu. A partir de ce moment, la foi devient partie de lui même, à la racine, et indestructible.

Il se trouve sans aucune attirance désormais pour une religion de rites et de cérémonies. L'idée de cultes et de dogmes lui est inadmissible, car il voit maintenant Dieu comme le père de tous les membres de la races humaine, principe universel, source de tout ce qui existe. Et son coeur se prosterne devant un tel Dieu. Son idéal : établir les fondements sûrs pour une vie et une action parfaitement morales.

Il se met au travail, passant nuit et jour sur ses livres, et c'est finalement le succès : à la fin de trois ans passés au V. J. T. Institute, il reçoit son diplôme de technicien supérieur en industrie textile.

A Gulbarga. Le mariage

 Il commence à Gulbarga le travail dans son nouvel emploi. Pendant quelque temps la vie s'écoule tranquillement, mais Vittal se rend compte bientôt qu'il n'a pas la vocation du travail en usine. Il agit comme un automate, assurant son rôle parce qu'il est mis là pour l'assurer. Au bout de trois ou quatre mois, Vittal reçoit un télégramme de son père l'informant de nouveau d'une proposition de mariage. L'alliance est décidée par les parents : sa mère, malade et alitée maintenant pour plusieurs années, s'est engagée à la place de son fils. Même la date est fixée, compte tenu d'un consentement présumé. Vittal, désarçonné, hésite un moment ; mais refuser quand les parents se sont avancés aussi loin, est en Inde, à cette époque, les mettre en discrédit.. Finalement il cède, et télégraphie son consentement.

On devine la joie qui habitait le coeur du jeune marié !


Vitalrao, Rukmabaï portant leur fille Ramabaï, 
et la soeur de Rukmabaï 

  Rukmabaï est une femme cultivée, avec un penchant fortement religieux. On peut dire qu'elle est pour lui "une partenaire digne et dévouée" comme le notent ses biographes indiens. Il n'y aurait guère de problème s'il y avait communion d'âmes dans ce mariage arrangé

Elle lui donnera une fille, Ramabaï, pour laquelle il aura une grande affection, jusqu'à ce que l'amour particulier devienne Amour Universel, partagé également entre tous les êtres.

L'histoire de la vie professionnelle de Vittal est extrêmement mouvementée. Il sembla que Dame Fortune se soit plue à lui jouer de ses tours les plus vils. En donner le détail serait fastidieux. Disons que le rôle de cadre de l'industrie textile en Inde du XIXème sciècle mit le futur Ramdas dans des situations où il apprit à affronter difficultés familiales, financières, sociales, déménagements multiples et faire face à des menaces de mort même. Il y fit montre d'un caractère intrépide.

 Mais il n'a pas d'autre choix que de quitter un travail ingrat où il ne trouve ni considération ni ressource.

Vittal s'établit

Il se rend alors à Hosdrug chez ses parents. Mais au bout de deux mois il n'a rien trouvé ; le fait d'être obligé périodiquement de se remettre en quête de travail finit par l'emplir de dégoût.

 Après une aide de son beau père qu'il finit par décliner pour des raisons d'éthique, il décide de démarrer pour lui-même, sur une petite échelle, un travail de teinture et d'impression de saris . Il équipe pour cela un atelier dans lequel il peut conduire ses premières expériences.

Le travail  prend rapidement de l'envergure, et il devient vite nécessaire de repenser à un projet d'atelier plus large, ainsi qu'à une boutique en ville afin de recevoir les commandes et de négocier les affaires. Il loue une grande maison  pour servir à la fois de résidence et d'atelier, ouvre un magasin et l'affaire prend le nom de "Sri Sitaram Vittal Company".

Vittal est trop généreux pour devenir un parfait capitaliste. Les salaires qu'il donne aux ouvriers sont plus élevés que ceux qui sont accordés partout ailleurs pour un travail similaire. Les augmentations sont fréquentes et sont déterminées sans égard à la condition financière de l'entreprise. Les comptes virent peu à peu au rouge, la compagnie marche  vers le désastre.

  Lentement et imperceptiblement les circonstances extérieures font s'approfondir les tendances religieuses de Vittal. En même temps son désintérêt pour le gain prend davantage de force et d'élan. Les événements se précipitent pour Vittal. Même s'il a trouvé un associé plein de bienveillance, et que dans l'immédiat son ménage ne manque de rien, son esprit, de jour en jour, s'oriente rapidement vers le divin. Il conserve le Nom de Dieu continuellement en action sur la langue, il se prive du repas du soir, et se prive des conforts domestiques. Sa sadhana devient cause de reproches de la part de la famille. Il occupe une grande partie de ses nuits à répéter le Nom divin, et Rukmabaï s'épouvante par l'étrange tournure que prend désormais la vie de son mari. Aucune persuasion, aucun appel, aucune protestation, soit d'elle soit de sa fille ne peuvent induire quelque changement à la ligne de conduite qu'il s'est fixée. Car il sent très fort qu'il se situe sur un chemin commandé par ce Grand Pouvoir, et qu'il n'a que le choix de travailler à Le réaliser.

La dévotion de Ramdas envers Ram progresse par bonds. Chaque fois qu'il se trouve libre de ses devoirs, même pour peu de temps, il a pris l'habitude de méditer sur Ram ou d'en prononcer le Nom. Il marche dans la rue en répétant : "Ram, Ram". Il perd peu à peu toute attirance vers les choses du monde. Les raffinements de toilette ou d'habillement sont remplacés par du vulgaire khaddar, le lit par une simple paillasse, et la nourriture, réduite d'abord à deux repas par jour, se limite à un seul repas, bientôt composé uniquement de bananes et de pommes de terres bouillies. Les épices et le sel sont totalement évités. Alors la méditation de Ram prend rapidement une place majeure, elle empiéte grandement sur les heures de la journée et même sur les prétendus devoirs mondains.

 

C'est à cette époque qu'un jour, le père de Ramdas s'approcha de lui et le prenant à part lui transmet l'Upadesh du Ram-Mantra : Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram, l'assurant que s'il répétait ce mantra tout le temps, Ram lui donnerait un bonheur éternel. Cette initiation de son père - qu'il considérera désormais comme son Gourou, précipite le progrès spirituel de Ramdas.

Il sait que sa vie est devenue un jeu entre les mains du Tout Puissant : elle se moule désormais uniquement suivant sa volonté. Il sait parfaitement que l'heure à laquelle il va laisser tout ce qu'il appelle "sien" pour plonger dans l'Infini ne tardera plus, bien que n'en soient encore fixées ni l'heure ni les conditions. Vittal est prêt, il est impatient de vivre cette grande aventure. Il sait que, souffrance et mortification pour le corps, elle sera, suivant le langage des mystiques, une lutte destinée à "prendre d'assaut la Cité de Dieu et gagner la liberté éternelle."

Le Passage du Rubicon

Vittal a 38 ans en cet hiver 1922. Et tout se déclenche.

Il décrit le détail de ces moments-là :

" Une nuit alors que Vittal savoure la douceur de réciter le Nom Divin, Ram lui suggère cette prière : Ô Ram, quand ton esclave te voit à la fois si puissant et si tendre, quand il sait que celui qui se confie à toi obtient sûrement une paix et un bonheur véritables, pourquoi ne s'abandonnerait-il pas complètement dans ta miséricorde, en renonçant à tout ce qu'il appelle "mien" ? Tu es absolument tout pour ton esclave. Tu es le seul protecteur dans le monde. Les hommes s'égarent quand ils disent : " Je fais ceci, je fais cela, ceci est mien, cela m'appartient". Tout, ô Ram, est tien, et toutes choses sont faites par toi seul. La seule prière que ton esclave t'adresse est que tu le prennes sous ta complète direction et que tu ôtes de lui le sens du "moi".

Cette prière est entendue. Le coeur de Vittal pousse un lourd soupir, et un vague désir s'empare de lui de renoncer à tout et d'errer en quête de Ram, dans la tenue d'un mendiant."

Alors Ram le pousse à ouvrir au hasard le livre Lumière de l'Asie qui se trouve à ce moment là devant lui. Ses yeux se fixent sur la page où est décrit le grand renoncement du Bouddha, qui dit :

" Maintenant l'heure est venue où je dois quitter cette prison d'or où mon coeur vit encagé. Pour trouver la vérité, dorénavant je la chercherai pour l'amour des hommes, et je la trouverai."

De la même façon il ouvre le Nouveau Testament, et il est attiré par ces paroles définitives du Seigneur Jésus-Christ :

" Celui qui, par amour de mon Nom, a abandonné sa maison et ses terres, ses frères, ses soeurs, son père, sa mère, sa femme ou ses enfants, sera récompensé au centuple et héritera de la vie éternelle."

Enfin, Vittal, poussé de la même manière à consulter la Bhagavad-Gita, lit le vers suivant :

" Abandonne tous tes devoirs et viens à moi comme seul refuge ; ne t'attriste pas, je te libérerai de tous péchés."

Ram a parlé à travers les mots de ces trois grandes incarnations : Bouddha, Christ, et Krishna. Tous lui indiquent le même chemin, celui du renoncement. Vittal pris aussitôt, par amour pour Ram, la décision d'abandonner ce qui jusqu'à maintenant il chérit comme sien et de casser les liens de la vie mondaine."

Et Ram conspire avec lui. Juste comme ces événements se passent, sa femme et sa fille sont invitées à passer deux ou trois jour à la maison paternelle, en ville. Saisissant cette précieuse opportunité, dès qu'elles sont parti, Vittal s'habille très simplement, de deux pièces de toile de coton enroulées l'une sur la partie supérieure du corps, l'autre sur la partie inférieure. Puis, le lendemain, il achète une petite quantité d'ocre rouge et teint deux autres pièces de toile.

Dans la nuit suivante, il écrit deux lettres. Une pour son associé qui l'a dégagé de ses dettes, une autre pour sa femme, qu'il considère désormais comme une soeur.

La lettre à Rukmabaï dit :

Mangalore,

Chère soeur,

Pour l'avenir, vous êtes seulement ma soeur. Sri Ram, aux pieds de qui je me suis complètement abandonné, m'a fait sortir de la sphère de ma vie passée.

Je m'en vais, tel un mendiant, dans le vaste monde, en chantant le doux nom de Sri Ram. Vous savez, je n'ai d'autre ambition dans la vie que de lutter pour obtenir la Grâce et l'amour de Sri Ram. A ce but unique, je consacre le reste de ma vie et je suis prêt à souffrir pour cela jusqu'aux limites de la souffrance.

Nous ne devons plus nous revoir - du moins comme mari et femme. Marchez toujours sur le chemin de Dieu et le la Vérité, et que Rame fasse de même.

N'abandonnez pas le rouet, il vous donnera paix et bonheur. Que Rame y travaille aussi.

Que les bénédictions de Sri Ram soient sur vous et sur Rame. Il vous protège toutes les deux.

Affectueusement,

Votre Vittal

 Il met dans sa poche 25 roupies , et ne prend avec lui que son vêtement ocre composé des deux pièces de tissus qu'il a teintes, et trois livres : La Bhagavad Gita, Lumière de l'Asie et Le Nouveau Testament. A cinq heures du matin, il dit adieu à un monde qui n'a plus d'attrait pour lui, et vers lequel il ne reviendra pas. Il se présente à la gare de Mangalore et monte dans le "Madras Mail". C'est le 27 décembre 1922, il a 38 ans et une vie extraordinaire commence pour lui. Plus tard, il dira : " Jusqu'à trente huit ans la vie de Ramdas fut un échec. A partir de trente huit ans, ce fut un succès".

   Pèlerinage : la Réalisation

 A cinq heures du matin ce 28 décembre il monte dans un train, avec trois livres, quelques roupies, et un vêtement orange comme tout bagage. Le soir venu, il descend à Erode Ainsi commence sa vie de moine errant (sadhou).

 Il se dirige alors vers la gare

 A minuit, la cloche de la gare annonce l'arrivée d'un train. Il se lève, et se trouve à côté d'un Tamoul qui lui demande où il va. Vittal n'en sait fichtre rien. C'est à Ram de décider. Et Ram décide sur le champ : l'homme va à Trichinopoly, promet à Ramdas de l'emmener jusque là avec lui, paye son billet, et tous deux s'embarquent dans le train

Et c'est la fin du second jour.

Au petit matin, il se rend à pied à Shrirangam, située à 13 km de Trichinopoly, et atteint cette ville vers huit heures.

Voici ce qu'il raconte au sujet de cette troisième journée, dans In Quest of God :

"C'est là que Vittal pour la première fois entre dans la compréhension du plan de Ram, ... et ce plan est de le mener en pèlerinage vers les sanctuaires sacrés et les fleuves saints de l'Inde. A Shrirangam, la rivière Kaveri coule dans toute sa pureté et sa majesté. Vittal s'y rend et se baigne en ses eaux claires. Et c'est là que, par ordre de Ram, il revêt la robe de sannyasin . C'est un moment décisif par lequel Ram donne à Vittal une vie nouvelle. Il offre ses vêtements blancs aux eaux de la Kaveri, qui les emporte dans son courant tumultueux. Il endosse les vêtements ocres et il fait monter cette prière jusqu'aux pieds de Ram tout puissant :

"Ô Ram ! Ô Amour infini, protecteur de tous les mondes ! C'est par toi seul que ton humble esclave a été poussé à adopter le sannyâsa . Pour ton nom seul, ô Ram, Vittal a quitté la vie mondaine, et toutes ses attaches, tous ses liens ont été tranchés. O Ram, bénit ton pauvre adorateur de ta grâce ! Fais qu'il obtienne la force, la foi, et le courage pour observer ses voeux et supporter toutes les expériences et les épreuves de toutes sortes qui peuvent surgir sur son chemin de sannyasin et sa vie rude et périlleuse de mendiant".

Il fait alors les 3 voeux suivants :

1°- Désormais sa vie sera entièrement consacrée à la méditation et au service de Sri Ram.

2°- Il observera un strict célibat, considérant toutes les femmes comme des mères.

3°- Son corps se sera soutenu que par des nourritures qu'il se procurera à partir d'aumônes ou par ce qui lui sera offert à titre d'aumônes."

Alors il se sent tressaillir d'une nouvelle naissance, d'une nouvelle vie, pleine du doux amour de Ram.

La paix tombe sur son âme tourmentée. Désormais, il prendra le nom de Ramdas (Das, serviteur, de Ram)

Toujours accompagné de son ami Tamoul, il monte dans le train, en direction de Tirupapuliyur, où les deux sadhous trouvent à se loger chez une relation du bon ami. Un jour, celui-ci décide d'emmener Ramdas darshan de Ramana Maharshi.

L'ashram du Maharshi est situé au pied de la colline d'Arunachala, montagne sainte sur laquelle il se livra à des austérités pendant de longues années. Le bâtiment, à l'époque était une sorte de hangar recouvert de chaume. Les visiteurs y pénètrent et se prosternent aux pieds du saint. Le lieu respire la paix, c'est un endroit béni. Ramana Maharshi est jeune mais il possède un tel calme sur son visage et un tel regard de tendresse et de sérénité que tous ceux qui viennent à lui subissent le charme de sa paix et de sa joie. Comme Ramdas sait que le Maharshi parle anglais, il lui dit :

- Maharâj, un humble serviteur se trouve devant toi. Aie pitié de lui. Sa seule prière est de recevoir ta bénédiction.

Le Maharshi ne répond pas, mais il pose son beau regard sur Ramdas, et le contemple pendant quelques minutes avec intensité, versant ainsi par le regard un pouvoir extraordinaire. Puis il fait un signe indiquant qu'il l'a béni. Un tressaillement d'un bonheur indicible secoue le corps de Ramdas tout entier, le faisant frémir comme une feuille sous la brise. Il oublie tout ce qui est autour de lui, et tombe dans une extase inexprimable.

C'est pour l'évolution spirituelle de Ramdas une expérience capitale : se référant à cette unique visite, il considérera qu'après son père, le Maharshi est son second gourou.

Ramdas raconte :

"Ram inspire alors à Ramdas le désir de demeurer quelques temps dans la solitude...sur la colline d'Arunachala... Ramdas y trouve une petite caverne dans laquelle il entre et s'installe. Il y reste pendant vingt jours et vingt nuits, en répétant sans interruption le mantra que lui a donné son gourou... Dans cette communion ininterrompue avec Ram, il ressent une joie intense, et se trouve plongé dans un océan de béatitude indescriptible.

Au bout du vingtième jour, comme il sort de sa grotte, ses yeux se sont remplis d'une lumière étrange, et il voit le Divin partout. Il Le voit dans les pierres, il Le voit dans les arbres, il Le voit dans les plantes et les rochers et il crie qu'il voit Ram partout. Comme un fou, il se précipite dans tous les sens, et il embrasse tout ce qu'il trouve, les pierres, les plantes, un homme qui passe. Il est saisi d'une véritable frénésie. 

"A partir du moment où Ramdas eut cette vision, une véritable source de béatitude s'est mise à couler en lui et l'a complètement inondé. Cette béatitude, cette joie a continué jour et nuit jusqu'à maintenant. Il est immergé dans un véritable océan de joie et de béatitude qui est tellement intense qu'aucune description ne peut le rendre,... un océan de pureté pour lequel il n'y a pas de parallèle".

C'est au bout de ce temps que la famille de Vittal (Ramdas n'a plus de famille !) apprend que Ramdas séjourne à Hubli, dans l'ashram d'un grand saint indien, Sri Shiddharudha. Sa femme ("d'autrefois" !) et sa fille viennent dans le but de le ramener au foyer. Ils s'adressent à Sri Siddharudha. Et le yogi conseille à Ramdas de les suivre. Ramdas n'a pas d'opinion personnelle : il considère que l'avis de ce grand saint est un ordre de Ram, et obéit.

Ainsi semblent prendre fin les pérégrinations de Ramdas, qui, en un tour de l'Inde a opéré extérieurement et intérieurement sa grande révolution.

Quand ils débarquent, Ramdas, inspiré par Ram, part le premier et monte droit aux collines de Kadri, son ancien refuge de méditant, où il passe la nuit. Et, par ordre de Ram, il élit domicile dans une grotte qui se nomme " grotte de Panch Pandav ", pour mener là une retraite consacrée à parler, méditer et écrire sur Ram.

Il va rester trois mois dans la grotte de Panch Pandav, . Il se lève à trois heures du matin, et descend directement se baigner dans une citerne. Que le sentier soit raide et périlleux, il n'omet jamais ce rite matinal même si la nuit est obscure. Après le bain il médite jusqu'à l'aube.

 

 

Dans la grotte de Panch Pandav

  Tout d'abord sa méditation a consisté uniquement en la répétition du Ram-Mantra. Puis cette répétition s'étant arrêtée automatiquement, Ramdas voit "une faible clarté circulaire se projeter dans sa vision interne". Il ressent avec cette lumière "un frisson de joie". Il continue son expérience, et, au bout de quelques jours cette lumière devient "aussi éblouissante que celle d'un éclair" et tout son être se sent transporté d'une immense joie. Il ne sent plus ses pieds, ses mains, il perd conscience de son corps, bien qu'il se rende compte des objets extérieurs. Il reconnaît uniquement les amis qui viennent tôt le matin, il entend leur parole sans connaître la signification. Cet état d'extase, dont il ne peut se libérer, peut durer pendant trois heures complètes. Et alors, très exalté, il chante, ou récite le mantra à voix haute.

Les derniers jours où il séjourne dans la grotte, cet état d'extase l'envahit chaque fois qu'il est seul. Alors la répétition du mantra qu'il a en permanence sur les lèvres s'arrête, et il perd la conscience de son corps.

C'est dans la grotte de Panch Pandav qu'il atteint la vision définitive, qui va demeurer une expérience permanente où l'intérieur et l'extérieur sont également le divin. Alors, il se passe en lui un état d'exaltation mystique où l'Amour s'empare de lui ; et il écrit ces stances, hymne de joie, de ravissement, d'allégeance et de don de soi, et aussi de théologie profonde. Profitons donc de ces paroles inspirées.

 La vie de sadou pèlerin continue, vie miraculeuse à travers l'Inde, dont il serait trop long de donner ici le détail ; on lira avec profit le livre de Ramdas Lui-même, traduit sous le titre Carnet biographique Ramdas, de Marc Avérous.

Anandashram

Quand le sadhou Ramdas termine ses pérégrinations, après deux ans passés à visiter des sanctuaires et autres lieux saints, il s'établit dans un premier Ashram, à Kasaragod. C'est là qu'il voit venir à lui Krishnabaï, dont le nom jusqu'à la fin de sa vie et au delà restera lié à la destinée de Swami Ramdas [voir la page : Vie de Krishnabaï]. Ramdas donne à cet ashram le nom de Anandashram (l'ashram de la joie).

 

Swami Ramdas et Mataji Krishnabaï

  Mais cet ashram est isolé ; Ramdas et Krishnabaï s'y font gravement agresser et Ramdas décide de l'abandonner. Ils sont invités par T. Bhavanishankerrao dans une maison nouvellement aménagée sur une colline appelée Manjapati, située à 5 kilomètres environ à l'est d'Hosdrug. Bhavanishankarrao et d'autres amis pressent Ramdas d'établir un nouvel ashram sur une aire vallonnée toute proche : on apprend qu'autrefois ce lieu était couvert d'une épaisse forêt où des sadhous et des sannyasins venaient pratiquer leurs austérités. Elle portait un temple dont on voit encore les restes. Par tradition, on considère l'endroit comme sacrée, parce qu'Hanuman, dit-on, quand il revint au Sri Lanka portant avec lui la montagne de Dronachala, en laissa tomber un morceau, et ce morceau est précisément la colline. Cette connexion plaît à Ramdas, qui, sans l'avoir cherché, trouve là un souvenir d'Hanuman, le fidèle serviteur de Ram !

Dieu qui donne l'idée doit donner les moyens. Ramdas écrit à ses innombrables amis de toute l'Inde, et les fonds, les encouragements et les suggestions qu'il reçoit sont merveilleux. Les travaux de construction débutent trois mois avant la mousson, au début de 1931. En mai, le nouvel Anandashram comprend un bâtiment principal, appelé Bhajan Hall , et une maison à l'extérieur de ce bâtiment, pour servir de cuisine. Ce qui suffit pour commencer.

Krishnabaï, très motivée, trouve là à employer son activité débordante, surveillant l'avancée des travaux. Et le matin de bonne heure on peut la trouver assise en méditation quelque part sur la colline.

L'ensemble de l'Ashram s'harmonise avec le paysage. La colline est rude, faite de pierre rouge, avec des haies et des prairies ; quand on monte à son sommet, on voit la mer d'Arabie. Au pied s'étendent une terre fertile, cultivée de céréales et plantée d'arbres fruitiers, et une forêt de cocotiers, manguiers, anacardiers (arbres à noix de cajou), poivriers... Après la mousson, quand l'herbe verte couvre les collines et les plaines, les environs offrent une vue enchanteresse. L'atmosphère qui prévaut à l'Ashram et à ses alentours est le calme et la paix.

La cérémonie d'ouverture du nouvel Anandashram a lieu le 15 mai 1931. Des centaines de personnes sont invitées. Une demi-douzaine de disciples du Maharastra assistent aux cérémonies. Pendant dix jours on chante bhajans et kirtans, on fait la fête, on distribue de la nourriture aux pauvres qui sont là. Les montagnes de Ramnagar résonnent des glorieux Noms du Seigneur.

A la requête des disciples et amis, Ramdas donne une courte allocution :

"L'idéal que l'Ashram doit porter avec lui est l'amour et le service universels , basés sur une vision de la divinité à l'intérieur de tous les êtres et toutes les créatures du monde. Ici chaque homme, chaque femme, chaque enfant de quelques dénomination, croyance ou caste auxquelles ils appartiennent, auront le libre accès. C'est un endroit où tout effort sera fait pour cultiver l'esprit de mutuels amour et service, si bien que ce qui sera réalisé dans ces murs prouvera par l'exemple quelle doit être la conduite humaine dans le monde extérieur. Le Seigneur est notre aide et notre guide en ces matières. Puisse-t-il dans sa bonté envoyer ses bénédictions sur le grand service que cette maison d'amour et de félicité prend en charge aujourd'hui".

On trouve là des hommes et des femmes unis par des liens qui se créent spontanément entre eux dans une fraternité joyeuse par le chant continu de Ram-Nam ; nous reviendrons en son temps sur l'Anandashram du troisième millénaire, qui porte l'idéal fixé ce jour-là par Ramdas.

 

Le sourire de Ramdas crée autour de lui une atmosphère de lumière et d'amour. Converser avec lui semble facile et naturel. On ne sent pas que l'on est en présence d'un être d'exception : aucune peur, aucune angoisse, la joie vous remplit venant d'on ne sait où, en présence de quelqu'un qu'on aurait inconsciemment attendu depuis longtemps ; devant lui, parlant ou écoutant, vous ne ressentez aucune contrainte d'aucune sorte. Les enfants, les femmes, les hommes, jeunes ou vieux, viennent et vont emmenant avec eux la paix resplendissante qui irradie de ce Papa Bien Aimé.

 

Anantasivan

  Quelque temps après l'établissement définitif d'Anandashram, vient auprès de Ramdas un jeune homme, Anantasivan, qui deviendra une aide précieuse auprès de Ramdas. Après avoir pris le sannyas, sous le nom se Swami Satchidananda, il est d'abord le secrétaire de Ramdas, puis, lorsque celui-ci quitte son corps, le bras droit de Krishnabaï. Enfin , quand celle-ci disparaît, il lui succède comme directeur de l'Ashram. Nous n'en parlerons pas en détail, voyez plutôt la page : Vie de Swami Satchidananda.

Pendant toutes ces années Ramdas se donne à tous : il effectue des tournées en Inde pour propager son enseignement, et, en 1954, un " Tour du Monde " (World Tour) qui nous intéresse particulièrement, puisqu'il est venu en France et en Suisse, et qu'un livre en Français existe, les Entretiens de Hadeyah, qui rapporte le détail des enseignements qu'il nous a donnés. [Voir à ce sujet la page L'enseignement de Swami Ramdas]

Ramdas quitte son corps

Nous sommes en 1963. Papa Ramdas vieillit, même s'il reste plein d'humour et de joie, même s'il continue de parler merveilleusement.

En avril, beaucoup de fidèles visitent l'Ashram. On fête ses 79 ans. Les visiteurs viennent en foule. Papa est heureux. Assis sur un fauteuil, il reçoit tout le monde et parle d'abondance. Il est lumineux. C'est dans ce mois de grande activité et de forte chaleur que Papa a une légère attaque cardiaque. On appelle un spécialiste de Mangalore, qui ne trouve pas son état de santé alarmant ; il lui donne des médicaments et recommande du repos. Papa, cependant, ne change pas ses habitudes.

En mai la chaleur augmente. Vacances scolaires pour l'Inde : il y a beaucoup de monde ce mois-ci encore à l'Ashram ; des familles entières viennent pour plusieurs jours et les jardins résonnent de cris joyeux.

Madeleine Le Boul, qui, sous le nom de Madhuri, nous a laissé un livre de souvenir de son contact avec Ramdas (La Piste), est en ce moment à l'Ashram ; par elle nous connaissons bien des détails concernant la mort de Papa. A cette époque Mataji lui donne une responsabilité : elle devra s'occuper de Ramdas pendant qu'il dort l'après-midi. Elle devra veiller sur son sommeil, rester à son service et l'éventer chaque fois que le ventilateur électrique ne fonctionne pas.

En juin, avec la mousson, l'Ashram se vide et la vie y devient plus intime, plus calme. Une pluie violente tombe sans presque discontinuer. " On est bien dans la chambre de Papa, toujours souriant, lumineux et plein d'humour " note Madhuri.

De temps en temps, quand il y a une éclaircie, il s'assied dehors sous le banian ou l'arbre de bodhi qui couvrent la grande terrasse de l'Ashram. La vie se tisse de mille petites choses impalpables, à peine sensibles pour les gens pressés, mais chargées d'intensité pour celui qui, éclairé par l'amour de Papa, a décidé de marcher dans ses pas.

C'est dans cette période de paix que Papa va nous quitter. Sur la pointe des pieds. Il ne meurt pas après une longue agonie, il s'éteint sans gêner grand monde, sans provoquer de phénomène ou d'opération miraculeuse . Swami Satchidananda écrit : "July 25, 1963, dawned like any ordinary day" ; et Madhuri note presque identiquement que " la journée du 25 juillet est exactement comme toutes les autres ". Papa se lève à la même heure que d'habitude, écoute comme d'habitude de la musique religieuse à la radio. Comme tous les jours il agit, rit et parle avec les gens qui sont présents. Un de ses disciples qui lui est très attaché, Saghal, reste à ses côtés, et Madhuri passe une grande partie de la journée dans sa chambre. Mataji elle aussi vient souvent auprès de lui.

Dans la matinée, il dort un peu ; ça lui arrive quand il reçoit peu de monde. L'après-midi, Madhuri surveille seule sa sieste et l'évente. Son sommeil est court, très court ; elle se demande même si il a vraiment dormi, elle a l'impression qu'il a seulement fermé les yeux. Et comme elle lui en fait la remarque, il répond : " Ramdas n'a plus besoin de sommeil, il dormira ce soir ".

Au lieu de partir vite à la salle de bain comme il le fait d'ordinaire, il reste sur le bord du lit, sans prendre les lunettes que Madhuri lui tend. Il la regarde comme s'il avait quelque chose à lui dire. Puis il a un geste de la main et un hochement de tête, et se lève lourdement.

 L'après-midi se passe comme les autres : il ne pleut pas, mais Papa Ramdas ne désire pas sortir. Il n'y a que quatre personnes avec lui, avec lesquelles il parle peu et doucement.

 Vers cinq heures du soir il commence à se sentir mal. Swami Satchidananda qui se rend auprès de lui tous les soirs vers six heures, a un pressentiment ce jour-là : il avance sa visite d'une demi-heure ; il voit Saghal descendre en vitesse vers la cuisine. Quand il lui demande pourquoi, il répond que Ramdas est souffrant. Swami Satchidananda se hâte, et, lorsqu'il entre dans la chambre de Ramdas, celui-ci, dans son fauteuil, lui demande de venir s'asseoir à son côté : " Ramdas a l'impression d'étouffer. S'il te plaît prends lui sa tension " demande-t-il. La tension prise, il veut se rendre aux toilettes. Il est à peu près six heures et quart.

 Mataji l'amène et là, Ramdas se vide et perd son énergie. Il est soutenu par Mataji et Swami Satchidananda qui le reconduisent sur son lit.

 Alors l'affolement gagne tout l'Ashram. En quelques minutes, la chambre se trouve pleine de monde qui regarde anxieusement Papa respirant avec difficulté. Il est agité : il s'assied, se recouche et s'assied de nouveau, dit quelques mots en konkani à Mataji, et répète " Hari, Hari, Hare Ram ".

 Pensant que ce trouble est dû à des flatulences, on lui applique en vain des compresses chaudes, mais bientôt le médecin, appelé, pense qu'il s'agit d'une attaque cardiaque. En peu de temps, après un dernier " Hare Ram ", Papa a quelques respirations brèves et un râle. Il s'effondre. Son agitation cesse. Tout est fini : Papa gît paisiblement. Il est un peu plus de sept heures le soir.

Les résidents de l'Ashram se trouvent dans la chambre, prostrés autour du lit. On chante Ram-Nam. Swami Satchidananda est occupé à téléphoner partout pour informer les dévots, les amis, les journaux et la radio de la mort subite de Swami Ramdas.

Personne ne songe à manger ou à aller se coucher. La nuit entière se passe auprès du lit et Ram-Nam ne s'arrête pas.

Mataji, dès qu'elle a conscience que Papa a atteint le Mahasamadhi , se tait jusqu'au lendemain. Elle s'assied et toute la nuit masse les mains puis les pieds de Papa, pensant qu'il ouvrira une dernière fois ses yeux si ses fidèles ont une foi inébranlable. Elle dira plus tard : " Quoique notre divin Papa ne nous regardait pas et ne nous écoutait pas, nous espérions le voir se lever un moment et nous parler de sa manière divinement humoristique, et nous faire tous rire, parce que rien ne lui était impossible ; et nous continuâmes à chanter Ram-Nam. Mais comme notre foi n'était pas assez forte, notre Bien Aimé Papa qui pénètre tout ne montra aucun signe de mouvement. Et comme le temps passait et que bientôt les fleurs, la poudre de santal et l'encens amenés avec toute leur dévotion par les bhaktas couvrait son corps saint et divin, nous devînmes certains que notre Bien Aimé Papa ne se réveillerait pas ".

A six heures du matin, elle quitte sa place à côté de Ramdas et va à la salle de bain. Avant de fermer la porte, elle voit Swami Satchidananda et éclate en pleurs. Swami lui aussi pleure avec elle.

Ensuite tous deux reprennent courage pour parler aux uns et aux autres, et en particulier des détails de la crémation. Mataji reste auprès du corps de Papa ; elle n'en bouge pas de toute la journée ni de toute la nuit suivante. Sans prendre ni repos ni nourriture, elle masse encore les jambes de Papa.

L'incinération de Ramdas a lieu le 27 juillet 1963, deux jours après sa mort.

Entre temps, les devotees sont venus de toutes les parties de l'Inde en grand nombre, s'ajoutant à la population du voisinage qui défile au grand complet. On s'écrase dans le Bhajan Hall, où Papa est étendu en attendant l'incinération.

Mataji note que " sa divine forme physique, rayonnante et souriante, répand une paix et une béatitude inexprimables "... On l'a déposé sur un tapis, une natte, un édredon, un épais matelas, des dessus de lit en soie et en coton, le tout placé sur une couche de bois de santal, de fleurs parfumées, guirlandes, différentes sortes de parfums, encens, camphre, etc.,. Le bois de santal à la base du foyer est allumé à onze heures quinze ".

 C'est à dix-huit heures que les cendres ont pu être ramassées dans de grands vases et conservées dans une petite pièce au fond du Bhajan Hall, que Papa a utilisé comme chambre dans les premiers temps de l’Ashram.

 

 

 

 

L'ENSEIGNEMENT  DE  SWAMI  RAMDAS

Par toute sa vie Ramdas a enseigné.

Connaître sa vie en quelques pages suffit-il à comprendre toute sa profondeur ?

Si la grâce, qui nous a mis en présence d'un tel Maître, nous donne le désir de suivre ses pas (ce qui ne veut pas dire copier ou revivre les circonstances qui l'ont libéré) ne manquons pas l'occasion d'approfondir son enseignement, en le puisant là où il est, c'est-à-dire dans les écrits qu'il nous a laissés, source rare pour notre sadhana.

 

 

 

LE POUVOIR DU MANTRA

 

Le mantra est une formule sacrée destinée à être répétée. Pour s'en faire une idée, il n'est qu'à penser à certaines prières de la tradition chrétienne, par exemple aux répétitions des répons dans les litanies latines : "Ora pro nobis, ora pro nobis, ora pro nobis...".

Un autre exemple est bien sûr celui du chapelet. Jésus a donné une prière essentielle : le Notre Père (ou Pater Noster). Pour se tenir en état de prière (en "souvenir constant") les premiers chrétiens récitaient et récitaient la formule du Pater . Pour ne pas s'endormir et s'y appliquer pleinement, ils faisaient passer un par un des petits cailloux de gauche à droite. Ces petits cailloux, enfilés en perles sur une cordelière forment un chapelet. Il est récité maintenant sur le Je vous salue, Marie (ou Ave Maria).

* * *

Un excellent exemple de l'utilisation d'un mantra chrétien (dans la tradition orthodoxe) est donné dans un petit livre Récits d'un pèlerin russe . Il met en scène un paysan qui, vers 1860, prend au sérieux la recommandation de St Paul dans son Epître aux Thessaloniciens : "il faut prier sans cesse". Il se demande comment cela est possible, vu qu'un homme va dans la journée à ses occupations, mange, dort... Il pose donc la question à plusieurs personnes : à un saint homme, à un supérieur de monastère, à un vieux religieux, qui ne savent lui donner de réponse. Mais le dernier le conduit à un staretz qui enfin lui donne la clef : il faut répéter la prière de Jésus, qui est l'invocation : "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi !" Celui qui s'habitue à cette invocation, explique le staretz, ressent une grande consolation et le besoin de la répéter sans cesse ; au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c'est d'elle-même qu'elle coule en lui. Le jour, et la nuit aussi, pendant le sommeil. C'est la prière intérieure perpétuelle.

Et le pèlerin russe part en récitant son "mantra". "Je m'habituais si bien à la prière que si je m'arrêtais un court instant, je sentais un vide comme si je perdais quelque chose ; dès que je reprenais ma prière, j'étais de nouveau heureux et léger".

La formule est différente, mais Vittal devint Ramdas par le même chemin. A la différence des cultures près, Ram et Jésus sont pour le dévot des Incarnations du Divin, sentis mais non tangibles, par lesquels on peut avoir de Lui une approche charnelle.

L'influence de la répétition d'un mantra est illustrée par une histoire qu'aimait à raconter Swami Ramdas :

Un homme voulait se rendre propice un démon afin de lui faire faire tout ce qu'il voulait. Dans ce but, il accomplit des pratiques sévères. Enfin le démon lui apparaît et promet de lui obéir, mais il pose cette condition :

- Je réaliserai tous tes rêves, dit-il, mais si, à un moment, tu cesses de me donner du travail, je te dévorerai. Tu dois me tenir occupé vingt-quatre heures sur vingt quatre.

L'homme accepte, et lui donne aussitôt l'ordre de bâtir un vaste palais. A son émerveillement, le palais est construit en quelques minutes. Puis de bâtir une route. Cela est fait tout aussi rapidement. La minute suivante, le démon se tient devant lui, pour lui demander un nouveau travail. Notre homme n'a même pas le temps de penser. Il lui ordonne alors de bâtir une ville immense. En quelques heures, une ville s'élève devant ses yeux ébahis.

L'imprudent est effrayé devant cette force qu'il ne peut contrôler et dont il devient l'esclave. Que faire ? Bien vite, il se rend auprès d'un saint et lui demande conseil. Le sage lui dit :

- Plante un bambou en terre solidement et demande au démon de monter et descendre sans s'arrêter.

Il suit ce conseil. Bon gré mal gré, le démon doit s'exécuter : cela signifie pour lui un travail incessant sans le moindre mérite, sans le moindre repos. Finalement, lassé, il s'en va pour ne plus jamais revenir.

Cette histoire est celle de la destruction du mental et par là même, du sens de l'ego. Le mantra est la perche de bambou ; l'ego, le démon qui vous tourmente en bâtissant des châteaux en Espagne. Demandez-lui d'aller et venir sans cesse sur la "perche" du mantra, il sera vite fatigué de cet exercice et partira de lui-même. Alors le mental se dissoudra et se révélera en vous la Pure Conscience.

* * *

Il est certain que le sens des mots prononcés, même s'il est difficile de le maintenir présent à l'esprit dans la répétition, permet au récitant de se garder dans la présence du Divin.

Mais le sens n'est pas capital. La foi en le mantra agit. Et la transmission par un gourou (un maître spirituel) à un de ses fidèles est essentielle. Cette transmission, donnée de bouche à oreille, s'appelle l'initiation et donne au mantra sa vraie valeur .

Les mantras védiques tiennent à la tradition religieuse la plus ancienne : les Vedas, textes sacrés de l'Inde, établis par les rishis, les sages à l'origine de la religion primordiale. Le fait que ces mantras aint été mis au point sous méditation de tels maîtres, et récités avec foi par des millions de personnes avant que le disciple le reçoive, donne à la formule toute sa puissance.

Le pouvoir d'un mantra n'est pas supérieur au pouvoir d'un autre. C'est surtout le fait que le maître l'ait choisi pour nous qui importe : la couleur d'un savon est différente de la couleur d'un autre savon, mais la substance est intrinsèquement la même. Ramdas l'exprime parfaitement quand il demande que le nom de Dieu soit constamment sur nos lèvres, quel que soit le nom que l'on donne à Dieu.

Mais il l'affirme tout au long : l'efficacité du mantra est liée à l'abandon. Si le disciple ne s'abandonne pas à la volonté divine, le Ram Nam qu'il chante sonne faux. Nous y reviendrons. Dans cet abandon, le mantra doit couler comme du miel sur la langue de celui qui le répète.

* * *

La répétition du Nom, et la concentration sur le son du Mantra, amène à la purification du mental. " Vous acquerrez un haut pouvoir de concentration. Si vous concentrez votre mental et le fixez sur Dieu avec l'objectif de l'atteindre, il vous conduira à des sommets de lumière. Et vous serez parfaitement contenté. Votre vie sera comblée. "

" Le mental est rempli par le mal. Il peut être remis en santé et libéré du mal par la répétition du Nom divin. Plus vous répétez le Nom de Dieu, plus vous devenez conscient de sa présence à l'intérieur de vous. Les forces sombres sont conquises et le mental devient tranquille, pur et transparent. Alors le rayonnement, la paix et la joie du divin se révèlent eux-mêmes et vous devenez comme une vitrine dans laquelle la lumière brillante est conservée. Sinon vous êtes comme un vase boueux dans lequel brille une lampe. Le vase étant opaque, on ne distingue pas la lumière. Vous devez faire du véhicule humain un parfait support de la lumière de Dieu ".

" Quand Ramdas commença à réciter Ram-Nam, il devint fou de Dieu. Ceci fut pris à tort par ses amis et ses parents pour de la démence. Jour et nuit, sans repos, il chantait Ram-Nam. Le sommeil aurait coupé la continuité de Ram-Nam. La nourriture lourde aurait amené le sommeil. Ainsi il sacrifia à la fois la nourriture et le sommeil pour chanter le nom sans cesse. La discussion mondaine aurait distrait le mental du Ram-Nam. Ainsi il cessa toute discussion et partit dans la solitude... vagabondant dans une robe d'ocre jaune... comme une feuille morte portée ça et là par la brise. Il disait alors qu'il se sentait en sécurité comme un bébé dans les bras de sa mère ".

Il précise : " Les vibrations crées par la répétition du Nom de Dieu s'amalgament à notre mental, qui se trouve absorbé dans le divin. Il oublie de divaguer car il est saturé, intoxiqué par la douceur du Nom. Tous les vasanas et désirs sont éradiqués, et le mental devient calme... Il n'est rien en vérité qui ne puisse être obtenu par la répétition du Nom pendant quelque temps. C'est immédiat. Telle est l'expérience de Ramdas. La douceur du Nom est telle qu'elle ne veut pas vous quitter. Ramdas but cette douceur jusqu'à ce que la boisson et Ramdas devinssent un. Après cela, naturellement, la répétition s'arrêta et Ramdas fut envahi par l'extase, qui est demeurée avec lui toujours depuis lors, sans plus d'effort. "

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L'APPEL - LE MAITRE

Tout commence par une grande nostalgie. Le futur disciple éprouve un mécontentement pour sa vie banale, juge insipide les tâches journalières, il se trouve peu de goût pour la vie mondaine dont il ne voit plus les buts. Rappelons nous comment a commencé le chemin pour Ramdas : " Pendant près d'une année, Ramdas se débattit dans un monde plein de soucis, d'anxiétés et de peines. Ce fut une période terrible d'inquiétude et de tension. Dans cet état de misère désespérée un cri jaillit du coeur de Ramdas : "Où trouver le soulagement ? Où trouver la paix ? "

 

Le premier stade est la décision que prend le chercheur de se mettre en route : ce n'est jamais un effet de sa volonté propre. Le fruit mûr se trouve cueilli par la main divine. Ramdas y insiste : " La grâce seule peut nous sauver " " Il n'y a pas d'autre chemin. La grâce est à ce point toute puissante qu'elle peut agir sur n'importe quelle personne, qu'elle soit en mesure ou non de la recevoir. Sinon... elle ne serait pas toute puissante et vous pourriez dire que vous pouvez atteindre Dieu par votre propre mérite... Ainsi, vous tournez votre esprit vers Dieu par sa grâce seule... ".

 

" En premier lieu, insiste-t-il, on doit s'éveiller par la grâce divine à l'intérieur de soi-même ; cette grâce ensuite conduit le chercheur vers un saint qui l'initie et lui donne une grâce supplémentaire qui lui permet d'aller jusqu'à la réalisation de la Vérité. En sanscrit on appelle cela Atma Kripa et Guru Kripa ... Le chemin devient alors plus facile pour lui, puisque le Maître le guide tout le long jusqu'à ce qu'il trouve Dieu ".

 

Si le disciple répond positivement à cette première impulsion, alors, suivant le vieil adage : "Quand le disciple est prêt, le maître arrive". Le maître est attiré par le disciple comme le disciple est attiré par lui, l'un étant la forme divine achevée, l'autre la forme divine en devenir.

Et le maître adore en le disciple cette image du divin .

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LES QUALITES DU DISCIPLE

Il est dit que lorsque le disciple rencontre un vrai maître, une grande partie du chemin est faite. Le disciple est la terre que le maître travaille et rend féconde. Des qualités qu'il trouve dans le disciple dépendent les résultats de son action. Encore faut-il que le disciple soit un disciple. Un devotee de Ramdas lui pose cette question : " puisque d'un seul regard, le Maharshi vous a donné l'illumination, pourquoi n'agiriez-vous pas de même sur vos disciples ?" Papa répond qu'il n'y aurait pas de problème, si ses disciples se présentait dans l'état où il se trouvait lui-même devant le Maharshi.

Quelles sont ces conditions ?

  • Sincérité et foi absolues.Le disciple est prêt. La grâce a déjà travaillé. Elle a développé en lui la soif du Divin. Le contact avec le maître est la seconde grâce : le travail spirituel (sadhana) et son aboutissement est la grâce finale. Soif du Divin développée, confiance absolue envers le maître, sincérité sans limite dans sa recherche intérieure, le disciple doit être vrai, même s'il heurte les ressentis de son entourage, et parler vrai en tous temps.
  • Vaillance et détermination doivent être absolues. Nous sommes ici sur le chemin de l'Absolu. Le prix à payer est le prix total. Il n'y a de réduction de tarif pour personne. Sur ce chemin, " vous devez aimer Dieu de tout votre coeur. C'est la seule méthode pour L'aimer. Il ne doit pas y avoir de réservation dans votre amour, qui doit être intégral et complet . En d'autres termes, vous ne devez avoir personne dans le monde que vous aimiez autant que Lui. L'attachement aux objets du monde vous empêche de donner à Dieu le coeur entier. Ce que Dieu désire c'est que vous lui déversiez tout votre amour. Votre mental, vos sens et votre corps doivent être disposés à ses pieds comme si vous Lui offriez un immense bouquet de fleurs. Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous et que sa lumière, son amour, sa paix et son pouvoir vous soient révélés. Ceci est possible seulement par une consécration totale de votre vie à Lui. "

Ecoutons cette histoire :

Un jour un marchand avait un collier de perles à vendre. Un client lui demanda quel était le prix de son collier. Le marchand lui dit que le prix était de 10.000 francs. L'acheteur commença à marchander, il voulait le collier pour 7500 francs. Le marchand refusait de le lui laisser pour moins de 10.000 francs. " Je ne peux pas vous laisser ce bijou sans le paiement de son prix fort ", dit-il. Mais le client continuait à marchander, le demandant pour 9000, puis 9500, puis 9750 et finalement pour 9999 francs. Mais le marchand ne voulait pas s'en séparer pour toute autre somme que 10.000 francs. Et le client, qui voulait le collier, dut payer pour lui le prix fort.

Ainsi, conclut Ramdas, Dieu demande le prix fort avant de se livrer à vous. En vérité, le divin est sans prix. Personne ne l'obtiendra sans payer le prix en entier, c'est-à-dire votre être total dans tous ses aspects. Et en fait, cette consécration totale d'une vie n'est rien devant l'infinie liberté, la paix et la joie que vous obtenez de Lui".

 

  • La soumission au Maître doit être absolue. Le disciple considère le Maître comme celui qui a parcouru le Chemin ; il voit en lui un grand frère, un père, une mère, un modèle du Divin réalisé, un miroir dans lequel il se reconnaît. Cette soumission est élevante pour le disciple, un don immense du le Maître, qui renvoie vers son disciple l'image divine que celui-ci porte en lui-même. Et l'aime comme tel.

A une personne qui lui demande pourquoi, considérant son père comme son gourou, il n'était pas resté près de lui pour avoir plus souvent son darshan et profiter de sa grâce, Ramdas répond que Gurudev lui avait donné une directive : il n'avait pas à le revoir avant qu'elle n'ait été réalisée. Gurudev l'avait assuré que "s'il répétait continuellement ce Mantra , Ram lui accorderait le bonheur éternel". Ramdas a répété continuellement le Mantra jusqu'à ce que Ram lui accorde le bonheur éternel. Et par là nous a donné l'exemple de la motivation absolue, de la confiance absolue, de l'obéissance absolue, et du paiement du prix fort.

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LE BUT

" Votre but est que vous Le trouviez à l'intérieur de vous ". Aidé par son Maître, le disciple va obtenir la réalisation, non pas par sa sadhana mais à travers sa sadhana. La sadhana n'est pas le moyen de la libération, n'est pas une technique appropriée, comme on obtient du beurre en barattant le lait.

C'est la grâce qui donne la libération : elle est à l'origine même de la sadhana. Ramdas dit : " La Grâce vous donne un éveil. Mais la réalisation ne vient pas aussitôt. Avant de réaliser complètement le divin, Il vous fait avoir une sévère sadhana. Mais cette sadhana, obligatoire, est joie. ... Quand le premier éveil est arrivé, alors le chemin est aisé ".

" Votre travail consiste seulement à faire tomber sur vous la grâce divine. Constamment vous appelez Dieu. Vous chantez Dieu, et vous obtiendrez une étrange béatitude, une étrange paix. Ce sera le résultat de sa grâce.

Ceci est le seul chemin pour L'approcher. Prenez son Nom. Priez-Le. Appellez-Le. Chantez ses gloires. Elevez-vous dans votre plus haute nature... Alors vous serez remplis de lumière, pouvoir, sagesse, et joie dans le divin ".

C'est le pur amour. Ramdas n'a jamais grommelé ou parlé de ses souffrances. Il restait fixé sur le but.

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LES MOYENS DE LA SADHANA

La sadhana, c'est le travail spirituel que l'aspirant se donne pour arriver au but.

Même si ce travail doit rester joyeux et libre, il n'en est tout de même pas moins un travail, et comme tel il a ses exigences de technique et de rigueur. Les différentes "techniques" que préconise Ramdas sont celles qui lui viennent de son expérience :)

 

·        Le Ramnam

C'est l'arme absolue de Ramdas, dont l'effet est l'illumination. C'est par le Ram-Nam ~ il le dit itérativement ~ qu'il est devenu intoxiqué du divin. C'est le moyen de déprogrammer le mental, afin qu'il devienne vide et libre.

* * *

Un mantra est une formule sacrée objet de méditation. Cette formule peut se réduire à un seul mot, par exemple le nom d'une incarnation divine tels que Krishna, Rama (ou Ram). C'est le nom de Ram que Ramdas, intuitivement, prononça tout d'abord.

 

A proprement parler Ram (ou Rama, ou Ramachandra) est une incarnation divine hindoue , septième incarnation de Vishnu, lui-même un des trois "visages" de la Trimurti . Vishnu est le divin considéré comme conservateur de la création, qui s'incarne chaque fois que le monde est en danger, afin de rétablir la religion primitive ; ainsi Rama et Krishna. Cependant, pour Ramdas, Ram représente plus que le personnage légendaire de l'Histoire de l'Inde, héros du Ramayana. A la question que lui pose un jour un de ses dévots : "Est-ce que le Ram dont vous parlez est le Ram historique, ou est-ce une présence personnelle, et de quelle nature est le contact que vous avez eu avec Ram ?", Ramdas répond :

- La question est difficile parce que le Ram de Ramdas est en réalité merveilleux. Il en est de même, je le suppose, du Dieu qu'ont réalisé beaucoup de Saints et de Sages dans tous les pays. Ramdas sent la présence de Ram à chaque instant, et pourtant il ne peut pas dire de quoi il a l'air. L'omniprésence est un des attributs de Dieu, et l'on peut sentir cette omniprésence, mais il est très difficile de l'exprimer. Au début, lorsque Dieu a engagé Ramdas sur la voie qui mène à la réalisation, il lui a fait répéter le nom de Ram, simplement Ram, Ram. A ce moment, il n'avait qu'une idée assez vague de ce que Ram était, ou pourrait être. Mais cela avait pour effet que les vagues du mental se calmaient progressivement et il a joui alors d'une certaine paix. Son gourou est venu plus tard et l'a initié en lui donnant le mantra de Ram : Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram. Mais le gourou n'a pas dit à ce moment à Ramdas si c'était un personnage historique, si c'était un personnage mythologique, ou si c'était l'esprit omniprésent.

Après avoir chanté le mantra Om, Sri Ram, Jai Ram, Jai Jai Ram pendant assez peu de temps, Ramdas a été entraîné dans un état d'exaltation mentale où il était envahi par la lumière et la paix, au point qu'il perdait parfois conscience de son corps et pénétrait dans un plan de conscience supérieur. A cette époque, il répétait le mantra de Ram jour et nuit, sans arrêt".

* * *

Voici la traduction du Ram Mantra : Om Sri Ram Jai Ram Jai Jai Ram :

Om : c'est la vérité impersonnelle, Dieu sous son caractère immanent, inaccessible, sans attribut. C'est le Brahman des Hindous. Il est dit dans les Ecritures que le Brahman se révéla à l'origine comme son et que le son primordial fut Om. Ce son est ainsi considéré, si l'on peut dire, comme le mouvement de l'immobile, ou comme le Nom d'un Dieu innommable.

Sri, c'est le Pouvoir divin.

Ram représente le Purushottama de la Bhagavad Gita, qui est à la fois Purusha et Prakriti , et en même temps l'Un suprême, transcendant au delà des deux

Jai Ram, Jai Jai Ram. " Victoire à Dieu, Victoire, Victoire à Dieu ".

Soit :

" Dieu, qui es à la foisVérité et Pouvoir, Personnel et Impersonnel, victoire à Toi, victoire, victoire à Toi ! "

Ramdas explique comment il faut réciter le mantra, jusqu'à la grâce finale de l'illumination : " Quand Ramdas chantait le nom de Dieu, lui demandant d'être victorieux sur toutes les forces des ténèbres et victorieux de l'ego, il implorait, il suppliait Dieu nuit et jour, et pour finir Dieu remporta la victoire ".

Ce n'est point Ramdas qui fut victorieux, notez bien : c'est Dieu lui-même habitant le coeur de Ramdas.

 

·        L'abandon, le renoncement.

" Réellement l'homme n'a pas de volonté propre. Il y a seulement une Volonté Divine au travail partout et en tout. C'est une erreur de penser que nous, en tant qu'individus, possédons un pouvoir quelconque pour faire quelque chose. Dieu est derrière tout. Son pouvoir seul est actif et si nous nous soumettons à Lui, nous serons libre du sens de l'ego et réaliserons que nous sommes l'Esprit infini, universel ".

La répétition du Nom divin est liée à l'abandon. Elle ne trouve son pouvoir entier que si l'abandon est présent.

En anglais Ramdas choisit le mot surrender qui signifie : abandonner, mais dans le sens militaire d'abandonner une place forte. Abdiquer, se rendre. C'est l'ego qui se rend à la volonté de Dieu, avec confiance. Confiance absolue dans l'amour. Ça marche ! Ramdas, nous l'avons vu et répété, parle d'expérience.

S'abandonner est un acte de volonté. S'abandonner est un acte d'humilité. S'abandonner est un acte de sagesse.

Ramdas déplore de voir des personnes troublées par l'état de leurs affaires, et passer par les tracas et les anxiétés de la vie. Il a connu ça ! "Il est bien entendu que si nous sommes dans un chemin spirituel, nous nous abandonnons dans les mains de Dieu et il s'occupe de nous chaque jour. Quelles que soient les expériences que nous ayons, bonnes ou mauvaises, elles nous sont toutes données pour notre progrès spirituel"

" Se soumettre à cette volonté omnipotente , c'est l'absolue libération d'une âme qui cesse de lutter. Le moyen de s'abandonner est bien sûr de s'engager dans le total 'souvenir de Dieu' par la récitation du Nom. Accorder notre mental sur cette présence à l'intérieur de nous, c'est atteindre la libération des peines et de la misère qui nous viennent de l'identification au corps périssable ".

Ainsi lui-même accepte-t-il toutes les situations comme données par Ram Lui-même. Il supporte les injures, les privations de nourriture, ou les piqûres des moustiques le long du Gange, couchant s'il le faut sur la pierre glacée sans seulement une coupe de tissus pour couvrir son corps. Jamais il ne se plaint ni regimbe : il se contente de décrire le jeu de la vie, et il sait que cela est la Réalité, son Ram Bien-Aimé.

Un homme religieux accepte tout ce qui est, il n'attend pas qu'il lui arrive autre chose. Il est toujours reconnaissant. La façon dont il regarde le monde est différente. Le monde est neutre, il lui apparaît comme la beauté et l'extase ultimes.

Les situations pénibles.sont des processus de purification que nous devons accepter de bon coeur ; sans la souffrance il ne peut y avoir de progrès.. C'est lorsque notre mental est absorbé en Dieu que nous devenons libres de la misère, transcendant les sens et le mental : c'est l'état de Nirvana ou libération.

" Béni soit celui qui a connu l'épreuve, a dit Jésus , il a trouvé la Vie ".

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·        L'unité, la compagnie des saints.

Cette ignorance, assimilation au corps, croyance en une différence entre toi et moi, sensation d'être trimballé entre chaud et froid, joie et peine, gain et perte, c'est la douleur. La manifestation, ou jeu, ou lila de Dieu se manifeste par l'existence de ces paires d'opposés, chaque manifestation se trouvant soulignée ou définie par son opposé complémentaire. Cette présence de "paire d'opposés" est la définition même de la shakti, énergie ou Mère divine, jouant entre deux pôles : plus et moins pour l'énergie électrique, Nord et Sud pour le magnétisme, chaud et froid pour l'énergie thermique, action et réaction pour la mécanique, mâle et femelle pour l'énergie sexuelle, etc... La libération nous place au-dessus de cette dualité : "Rester toujours sur le plan de la dualité, assujetti aux dwandwas de plaisir et peine, honneur et déshonneur, profit et perte, et continuant à dire "Je suis Brahman" ou "Je suis un avec le divin", c'est la déception. "

Quand, par la purification du mental, nous arrivons à transcender les paires d'opposés, nous tenant au-delà du " j'adore " et " je déteste ", alors vient cette attitude d'enfance que tous les saints paraissent posséder. Souvenons nous comment Ramdas et Ananda Mayi se disputaient le titre de plus jeune petit enfant. Et du sourire de Ramdas qui, ayant transpassé la dualité passé et avenir, vit en l'immédiat de l'éternel présent. Le saint se trouve disponible : il est tout amour, toute écoute, et sa compagnie est absolument agréable.

* * *

Sans désirs, sans vasanas, le mental purifié cesse en quelque sorte d'exister, ou du moins de s'imposer à nous comme manifestation de l'être . Nous prenons conscience alors qu'il était la cause de l'état de séparation dans lequel nous vivions. La vérité s'impose : Dieu seul est. Dieu (la vie) est en moi. Je suis la Vie. Les hommes, les animaux, les objets sont la Vie. Nous sommes tous Un.

" Dans la réalisation de Dieu, où est-il question de 'Je' et de 'Tu' ? Où peut-il être question de séparation entre l'un et l'autre, même physiquement, puisque nous voyons toute chose comme la manifestation de Dieu... ? Toutes les différences, divisions et diversité sont complètement fausses dans le Royaume de Dieu ".

C'est Dieu qui joue tous les rôles. Il est le malade et le médecin, il est le voleur, le gendarme, le juge et le bourreau. C'est lui qui nous inspire d'aller à un Satsang quelque part, d'aller à nos affaires ailleurs, de commettre ce que l'on appelle un crime en un autre lieu. Dès que nous avons pris conscience que c'est Lui qui joue tous les rôles, alors nous ne voyons plus rien de bien ou de mal et nous sommes transportés sur un plan plus élevé de conscience. Notre effort doit être de nous maintenir sur ce plan.

" Nous devons sentir, dit Ramdas, au plus profond de nous-mêmes, que nous ne sommes pas simplement des corps, mais l'Esprit immortel, pénétrant tout. Quoique apparemment, nous semblions être séparés les uns des autres, essentiellement nous sommes Un. Nous avons à développer cette conscience. Afin de réaliser cela, nous devons nous attacher à Dieu qui a sa place dans le coeur de chacun de nous. Dieu n'est pas éloigné de nous, dans le temple, l'église, ou la mosquée. Nous devons nous attacher à Lui. Nous devons nous souvenir de Lui à l'intérieur de nous. En nous souvenant constamment de Lui, nous pouvons déchirer le voile qui nous sépare de Lui et réaliser notre unité avec Lui. Nous sommes essentiellement divins, non seulement intérieurement mais extérieurement aussi... L'univers dans sa totalité est décrit par la Bhagavad-Gita comme une manifestation du divin... Chaque atome de l'univers est plein de la lumière et de l'énergie divine. C'est ce que nous avons à réaliser...

Tous les grands Maîtres nous ont enseigné que nous devrions vivre en union les uns avec les autres et ne pas lutter. Ce message est en vérité un grand trésor qui est notre héritage. Nous ne devons pas vivre comme des personnes ordinaires, ne pas oublier de chercher à réaliser le centre et l'essence de notre être, Dieu. De temps en temps, nous devons tourner notre mental de l'extérieur vers l'intérieur afin de tâcher de réaliser l'unité avec la source éternelle... Dans cette unité est la paix... et non pas dans la division et les conflits ".

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·        La méditation assise.

A la lecture des écrits de Ramdas, il semble que la méditation assise prenne peu de place. Mais à y regarder plus profond, on constate que la méditation s'impose d'elle même dans son enseignement, par plusieurs approches.

Le rappel du mental vers l'intérieur, dans le texte que nous venons de lire, est déjà une forme de méditation.

Ramdas recommande, lors de la récitation du Ram-Nam, de " méditer sur les attributs de Ram ". Ce qui procure un double avantage : le premier est de ne pas laisser divaguer le mental. La récitation du mantra nous met déjà en présence de Dieu ; la méditation sur les qualités divines souligne ou accélère encore l'effet du mantra. Méditer sur les qualités de Ram est chose facile, puisque Ram est tout et chacun autour de nous, c'est la Nature, c'est la Vie, et toute ses implications. Un autre avantage de cette " méditation ", est qu'elle développe une connaissance du divin, et par cela l'amour de Dieu, indispensable pour obtenir la grâce divine.

Chez Ramdas, la méditation a bien souvent été l'effet de la répétition du mantra. Le mental s'arrête et le ravissement vient, avec un état de samadhi, plus ou moins profond, que les mystiques chrétiens appellent contemplation. Ce ravissement peut d'ailleurs venir du divin reconnu dans un paysage, dans l'art, au contact d'un saint, ou aussi de toute autre expérience.

Quant à l'exercice de méditation proprement dite, il l'impose à Mataji quand il juge qu'elle est prête à réaliser sa libération : " Tous les saints ont obtenu la plus haute expérience spirituelle en pratiquant la méditation. Ramdas pense que vous pouvez, si Ram le veut, avoir cette expérience même sans pratiquer la méditation assise. Mais il semble cependant que le moment est venu où vous devriez pratiquer la méditation ".

Krishnabaï écrit :

" O Papa, plein de compassion ! Quelques jours passent ainsi, au bout desquels tu m'autorisas à revenir à l'Ashram. Lorsque j'y vins, tu m'ordonnas de m'asseoir pour méditer. Je n'avais jamais médité jusque là. Et même losque je m'efforçais de le faire, je me trouvais terrassée par le sommeil... Ainsi quand tu me demandas de m'asseoir pour méditer, je répliquais : " je ne veux pas ". Alors tu me dis : " Pour méditer, assieds-toi bien droite et ne bouge point ton corps, si peu que ce soit, pour n'importe quelle raison. A mesure que tu avanceras, il se peut que tu vois à un certain stade quelque lumière brillante et que tu ressentes de la frayeur. Cela ne devrait point faire que ton corps se meuve. Tu ne devras point fixer ton esprit sur la forme de Ramdas, et tu devras considérer toutes les pensées qui te viendront à l'esprit comme n'étant point toi-même, te voir toi-même au-dessus de toutes pensées, toute transcendante conscience-témoin.

" Lorsque la kundalini remonte, si ton corps bouge si peu que ce soit, sa puissance descendra immédiatement, et il se passera un long moment avant qu'elle se remette à monter. "

" La montée de la kundalini au niveau de Bhrukuti (ajna) peut s'accomplir sans grande difficulté. Mais que cette puissance oscille de Bhrukuti à Sahasrara, cela est extrêmement difficile. L'aide extérieure du Guru ne peut t'être utile que pour amener la Kundalini jusqu'à Bhrukuti c'est-à-dire vers l'étape de la réalisation de soi. Au-delà, Ramdas ne peut plus t'assister sous sa forme extérieure à toi. Ramdas, la Vérité absolue au dedans de toi, fera monter, de par sa grâce, la puissance jusqu'au Sahasrara, te faisant une avec lui. Cela te donnera l'expérience que tu es l'univers entier et au-delà ".

Suit le détail de l'illumination, qui s'empare doucement de Mataji : il faut lire ce livre traduit en français.

* * *

Pendant sa tournée en Europe en 1954, Papa Ramdas donne en Suisse une véritable leçon de méditation silencieuse.

La méditation, contrairement aux idées occidentales, ne consiste pas à penser à quelque chose ; elle consiste au contraire, dans l'abandon total, à expérimenter la cessation pour un temps de la danse désordonnée des pensées dans notre mental. Elle est à la fois un test, un exercice, et une expérience spirituelle.

La méditation idéale est le silence complet du corps et du mental. Si quelque pensée se présente, qu'elle ne soit point retenue ; comme si elle n'était ni indésirable, ni invitée. Le silence obtenu, la présence du Divin s'impose puisque nous sommes le Divin.

La leçon de méditation de Ramdas a lieu à Genève.

Plusieurs personnes lui demandent ce qu'il en est de la méditation. Jamais une telle question ne lui avait été posée en Inde ! Il accepte aussitôt d'en faire la démonstration. Descendant de sa chaise, il s'assied en Siddhasana, et invite chacun à faire de même, s'il peut tenir cette position.

Papa demande alors qu'on ferme les yeux, et qu'on répète le Nom Divin, quel qu'il soit : Ram, Shiva, le Christ ou Allah, et de méditer sur les qualités divines. Personne ne bouge, même d'un centimètre. Tout le monde est tranquille dans son corps et dans son esprit.

L'exercice est refait tous les après-midi pendant une demi-heure, tant qu'il demeure à Genève ; et quoique la plupart éprouvent des difficultés à contrôler leur mental vagabond, la présence de Papa les apaise, et ils ressentent un vrai bonheur. Ayant goûté une fois à ce calme très doux de la méditation, on y revient, et d'autres personnes s'y rendent en grand nombre ; Papa leur demande de continuer cette pratique au moins une demi-heure tous les jours.

Pour lui-même Ramdas ne parle pas de méditation. Il s'en explique : il est en état de méditation constante. Il n'a plus besoin de s'accorder ces moments de silence pour goûter des échantillons de béatitude, puisqu'il possède celle-ci en pièce entière.

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LA VISION UNIVERSELLE : L'AMOUR, LE SERVICE.

Dans cette montée vers le Divin, des voies différentes sont possibles. On a dit de Ramdas qu'il était un grand bhakta, c'est vrai. Dans l'Inde de Ramdas, comme dans celle de toujours, la culture se transmet en grande partie de façon orale. Et, par les discussions qu'il a avec de très nombreux sadhous, des pandits et tous hommes préoccupés par les problèmes religieux, Ramdas acquiert, sa vie durant, une connaissance profonde des religions et philosophies religieuses. S'il préconise par la récitation du mantra l'intimité avec Dieu, il ne cesse d'enseigner la connaissance religieuse en des milliers de questions-réponses, où, pour celui qui voudrait suivre la voie de jnani, tout approfondissement se trouverait accessible.

Le saint a déchiré le voile de l'ignorance. L'ignorance, c'est maya, le principe de la relativité et de la dualité. L'enseignement spirituel des maîtres, depuis toujours, a consisté à enseigner aux hommes à surmonter maya, à s'élever au-dessus de la dualité de la création afin d'en percevoir L'Unité dans le Créateur.

Il a une confiance totale envers tous les êtres : hommes et animaux. De quel danger peut-il avoir peur quand il ne voit devant lui que son Ram Bien-Aimé ?

Puisque l'homme est Dieu Lui-même, on doit l'aimer. Plus que cela, le servir. Et le service doit se faire sans aucune considération de caste ou autre condition. " O Papa plein de compassion ! écrit Mataji, tu m'acceptas comme ton propre enfant et me donnas conseil en ces mots : 'Répète toujours Ram-Nam et considère le service que tu rends à quiconque comme étant le service et le culte rendus à Ram . Cette pratique te permettra facilement de réaliser ton union avec l'être universel, Ram' ".

Krishnabaï sert tous les hommes sa vie durant, prenant le conseil de Papa comme un ordre formel. On peut dire qu'il prêche là le Karma Yoga : action d'amour inconditionnel et de service désintéressé. Le but premier de son tour du monde de 1954 n'était-il pas celui de propager cet idéal d'amour et de service ?

La vision universelle est l'expérience du divin immobile et mobile, inactif et actif, immanent et personnel, à l'intérieur et à l'extérieur de soi. Ce but atteint, l'illusion d'un moi séparé dépassée, vient la joie absolue, état naturel de l'homme.

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LE MONDE, ILLUSION ?

Réalisation du divin ne signifie pas pour Ramdas monde illusoire. Si l'ego se fait illusion sur le monde, le monde, lui, n'en est pas pour autant illusion. Il y a une réalité des sens et de la vie telle qu'elle nous apparaît. Cette réalité n'est illusoire que par son caractère éphémère. Elle est insaisissable. Mais elle a son existence propre. Maya n'est pas l'illusion bouddhiste, c'est le jeu divin, la danse de Shiva.

Un jour qu'il se trouve à Donnal dans le jardin de la ville avec une demi-douzaine d'amis mariés et chefs de famille, un passant, qui observe Ramdas vêtu d'ocre, passe à côté de lui et lui donne cet avertissement :

- Prenez garde, ne leur enseignez pas que le monde est une illusion, ou vous les égareriez.

Et Ramdas :

" Pour Ramdas le monde n'est plus une illusion. Il est arrivé à le regarder comme la propre expression de Dieu en forme et en mouvement. Il se révèle comme une gigantesque image de Dieu débordante de vie divine. "

* * *

Après son tour du monde en 1954 il écrit le livre " World is God ". La préface ne nous laisse pas de doute : " Le Monde dans lequel nous vivons, et les innombrables autres mondes dans lequel le notre est placé : tous sont imprégnés par la Vérité unique ou Dieu éternel et sans limite. Le microcosme est le macrocosme. L'individuel est l'universel. Dieu habite dans chaque être et dans chaque chose, aussi petit soit-il, dans sa totalité et toute sa perfection.

Il est juste de dire que, lorsque nous réalisons Dieu à l'intérieur de nous et avons pris conscience que notre corps est son corps, alors nous savons et reconnaissons aussi que le monde et l'univers sont aussi son corps. Et réciproquement, quand nous avons reconnu l'univers entier comme étant Dieu, alors nous savons aussi que nous sommes Lui ".

Les dernières lignes de l'ouvrage sont tout aussi explicites : "Ramdas affirme, avec toute l'autorité de son expérience spirituelle que Dieu est un, et que tout sur la terre est la représentation d'un Dieu unique. Toutes les forces qui sont en travail dans la nature sont une, parce qu'elles jaillissent du jeu de Prakriti. Toutes les créatures et tous les objets sur la surface de cette belle terre ont leur source dans le Un. Ils sont nés de Lui ; ils vivent, se meuvent et agissent dans la conscience de cet Esprit unique qui pénètre tous les vivants et tous les objets. Un est le refrain cosmique éternel, un est le chant qui ne se termine jamais, la divine musique des sphères. Un est le Monde, un est la Vérité, et Un est Dieu !

Dans ces phrases magnifiques pleines de véritables Foi et Espérance, on entend sonner l'ancien aphorisme des alchimistes : " Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ". Ou encore une vision globale du monde telle qu'on l'aperçoit à la fin du XXe s. Face à l'objectivité de la Renaissance (trilogie du sujet de l'expérience, de l'objet de l'expérience et de l'expérience elle-même), vient aujourd'hui une conception d'un monde possédant une structure holographique, chaque partie n'étant que la reproduction d'un modèle sous-jacent qui le domine, mais dont elle porte en elle-même l'intégralité. Ainsi Karl Pribram et David Bohm arrivent à cette conclusion par des chemins différents : l'un pour expliquer les curiosités de la matière, l'autre pour éclairer les mystères de la psychologie. Ils ne concluent pas plus que Ramdas au caractère illusoire du monde matériel, non plus qu'à la perte de l'individualité de chaque être, ils nous voient semblables aux tourbillons d'une rivière, distincts mais inséparables du flot de la nature. Le monde matériel renferme dans sa texture fondamentale nos processus de conscience les plus intimes. Telle est la profonde cohésion existant entre tous les êtres et de toutes les choses, dans cette nouvelle vision de l'univers.

Ramdas appelle ce tout Dieu. Ce serait pour ces savants le Grand Hologramme dont chaque partie vivante porte la totalité. Les mystiques et les savants qui suivent humblement la nature se rejoignent dans une vision large de la Réalité. Ce que nous sentons intérieurement, toujours : " Il y a quelque chose en plus " plonge le savant dans l'admiration et Ramdas dans la lumière et la joie de la Connaissance.

* * *

Le Monde est Lila. Dieu s'amuse à s'y projeter sous diverses formes. Ramdas ne dit pas que le monde est une création de Dieu, mais une projection de Dieu. Il avait l'habitude de dire : " Tout est Dieu. Tout est en Dieu. Dieu est en tout. " Comprenant que le mot Dieu paraît pour certains usé et vide de substance ~ surtout pour les occidentaux catéchisés ~ il n'hésite pas à dire " Si vous avez honte du mot Dieu ne l'employez pas, dites : Vérité, Réalité, Conscience Infinie ". Mais ce mot, ce Nom sublime, lui l'emploie sans cesse, puisqu'il parle d'expérience, d'une Connaissance obtenue dans son intimité avec Ram, autre Nom de Cela.

Au risque de nous répéter, nous soulignons de nouveau cette originalité de l'enseignement de Ramdas : il affirme avec la même intensité que Dieu est immanent à tout ce que nous voyons et expérimentons , mais aussi, en même temps qu'Il est personnel, c 'est-à-dire il peut être adoré par l'homme, son serviteur (le " das " de Ram en l'occurrence).

Par sa vie même, Ramdas unit les deux formes divines dans sa bhakti : il adore un Dieu personnel, et il le reconnaît dans tous les êtres et dans toutes les choses. Tout est Brahman, oui, mais cela doit être réalisé. Le dire ne suffit pas, l'expérience à tout prix doit être faite d'un état qui est au-dessus de tout sens de la dualité, libérant le mental du sens de l'ego.

Le Dieu que nous cherchons, aucun argument d'aucune sorte peut prouver son existence. A celui qui en a fait l'expérience, il se manifeste, se fortifiant depuis l'appel du " je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure ", jusqu'à cette Présence qui conduit l'âme à l'illumination. C'est la Foi théologale qui n'est ni croyance aveugle en des dogmes ou des credos, ni confiance fanatique donnée en quelque pontife. La découverte finale est celle de l'Amour envers tout être, tout objet, et toute situation : " Quel suprême privilège, dit Ramdas, d'être capable de voir l'univers comme notre propre nous-même et de l'embrasser avec les bras de l'Amour infini ! ". Le mal vient de ce que nous croyons être séparés de cette universelle Vérité.

* * *

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LES RELIGIONS

Qu'en est-il des religieux ? Ramdas est un religieux, certes ; possède-t-il une religion ? Adhère-t-il à quelque credo ?

" Ramdas n'appartient pas à une secte particulière. Il est fermement convaincu que tous les credos, toutes les fois, toutes les religions sont des chemins différents qui convergent vers le même but... Tous les grands instructeurs de ce monde viennent d'un seul Dieu, cause primordiale et éternelle de toute existence. Pourquoi donc une église serait-elle plus fondée qu'une autre ? La même note ~ abandon complet comme voie suprême pour la libération ou le salut ~ résonne partout et avec insistance dans la Gîta, la Bible, le Coran et le Zend Avesta. "

Il ne juge pas les religions. Il ne s'attaque pas aux dogmes, bien que sa sagesse l'empêche de s'y empièger ; il ne juge pas les clergés, quoiqu'il sache parfaitement combien leur goût du pouvoir les amène à pervertir et à amenuiser l'enseignement des Maîtres. Il console les croyants en donnant à chacun d'eux une image positive du Chemin qui est le leur. Il sait qu'au sommet, tous les chemins disparaissent. Il ne voit ni impureté ni mal dans le monde qu'il considère tout en une même et seule vision lumineuse. Avec les hindous, il discute sur le Brahman suprême et sur la Réalisation de Dieu par l'expérience. Aux musulmans, il parle d'Allah et de Mohammed, mettant l'accent sur la soumission à la volonté d'Allah. Aux chrétiens il veut faire prendre conscience qu'avoir Foi en le Christ signifie le prendre comme idéal cette personnification de l'Amour divin qui doit envahir leur âme et pénétrer leur vie dans toutes leurs activités. Suprême amour, qui permet de rentrer dans le royaume du bonheur éternel ; et Ramdas rappelle cette parole qu'il met au centre de l'enseignement du Christ : " Le Royaume de Dieu est en vous ".

Il précise : " Votre vie doit donc avoir pour guide le Christ qui est amour, il vous emmènera alors dans le Royaume du Père, la paix absolue. Mais ne pensez pas que le Christ soit le seul chemin du salut. Longtemps avant lui ont existé de grandes âmes qui ont tenu haut la torche de la connaissance divine pour illuminer ce monde ".

Dans son livre " In the Vision of God " on trouve un clin d'oeil qui nous permet de saisir son sentiment envers les convertisseurs. De passage à Allepey, il est logé dans un bâtiment appelé Institut Chrétien. Ramdas y rencontre deux chrétiens, Thomas et Mathai, qui lui témoignent beaucoup d'amour. Mais alors que Thomas, le plus jeune, est paisible, Mathai, homme d'âge mûr, ne l'est pas, et " entreprend de faire pénétrer dans l'esprit de Ramdas que l'enseignement du Christ est la seule vraie révélation de Dieu ".

Il fait du prosélytisme " à temps et à contretemps ", avec l'ardeur et l'acharnement du missionnaire intolérant. Pour couper court Ramdas lui dit :

- Dieu a donné à la tête de Ramdas une forme permanente. Vous pouvez la marteler autant que vous voudrez, vous ne pourrez la changer et lui donner la forme que vous voulez qu'elle ait.

Un ami de Ramdas, Mark Sanjivrao, prédicateur de l'Évangile du Christ, qui assiste à la scène, rit aux éclats. Par la suite, il demande à Ramdas :

- Est-ce que Mathai a pu changer la forme de votre tête ?

- Mathai ne peut pas accomplir l'impossible, répond Ramdas. La tête de Ramdas est coulée dans un tel moule qu'une forme permanente lui a déjà été donnée.

Il rient.

Et chaque fois que Mathai s'approche de lui, Ramdas prévient :

- Voilà le marteau !

A la fin Mathai abandonne sa tâche vaine, et Ramdas conclut que le marteau est cassé !

* * *

Le sommet de l'enseignement de Ramdas, c'est l'exemple ; il convainc par la réussite de sa Réalisation.

" La concentration de la pensée et l'effort sont les deux nécessités quand vous possédez l'ardeur pour atteindre la Vérité. Pour obtenir la concentration, la méthode la plus facile est la répétition constante du Nom Divin. Celui qui possède le Nom possède la Vérité. Qu'est-ce qui fait que Ramdas nage toujours dans un océan de félicité et de paix ? C'est le Nom Divin ".

" Ramdas, tu es libre, rien ne t'enchaîne. Tu es libre comme l'air. Prends ton essor, vole haut dans les cieux jusqu'à t'épancher en tous lieux et pénétrer l'univers entier. Sois un avec Ram. Tout est Ram, tout est Ram. Quel spectacle de lumière éblouissante de Ram partout répandue. Flamboiement, flamboiement - flamboiement d'éclairs. O Majesté, ô Divinité, ô Amour, ô Ram ! Ramdas, ta folie vaut tout ce qui est dans le monde et tout ce qui n'y est pas. Rejette la sagesse. A qui peut-elle être utile ? La sagesse est poison, la folie est nectar - folie de Ram, entends-tu, Ramdas ? ".

 

 

Le Ram Nam selon SWAMI RAMDAS

 


1.- Toute sadhana existe pour garder le souvenir de Dieu. Ce souvenir est Darshan (1). La voie la plus facile est de prendre constamment le Nom de Dieu. Le Nom est le lien entre le fidèle et Dieu. Il amène le fidèle face à face avec Lui et lui permet de réaliser l'unité avec Lui. Le Namasmarana est capable d'accorder la vision universelle par laquelle on voit tout comme Dieu. Lorsque vous prenez le Nom, vous prenez le Nom du Seigneur qui demeure dans votre propre coeur.

2.- Prenez le Nom avec toute la foi dont vous êtes capable. Répétez-le sans cesse, que vous soyez dans la cuisine, que vous alliez chercher de l'eau, en prenant un bain, en marchant dans la rue ou en faisant n'importe quel travail physique. Si vous ne pratiquez pas en gardant toujours le nom de Dieu sur les lèvres, vous ne pouvez éviter de devenir malheureux. Sachez-le une fois pour toutes.

3.- Le japa doit être fait avec un intense amour et une intense dévotion pour Dieu, et non comme une discipline imposée à vous par autrui. Si vous ne ressentez pas de joie en pratiquant le japa, vous feriez mieux de ne pas le faire, parce qu'il ne vous aidera pas beaucoup. Lorsque vous avez de l'amour pour Dieu, le Japa de Son Nom doit vous donner une grande joie. Ce n'est pas une répétition mécanique qui aide, mais un écoulement spontané d'amour pour Lui alors que l'on répète Son Nom.

4.- Il n'est pas toujours nécessaire de chanter le Nom du Seigneur à voix haute. Dans les premiers temps cela peut aider beaucoup. Mais la répétition mentale est beaucoup plus efficiente.

5.- Tous les noms de Dieu sont grands et puissants. Mais Ramnam a sa propre valeur. Le rythme est un facteur très important dans un mantra. La douce mélodie du nom répété, ou la combinaison de mots, a un effet merveilleux sur l'esprit distrait. Il n'y a pas deux lettres, mises ensemble qui peuvent, par leur musique harmonieuse, apaiser et amener la paix au mental plus que 'jke'. Il est dit justement que 'Ram' est égal en puissance à la syllabe sacrée 'OM'. Pour le fidèle qui s'efforce d'atteindre Dieu dans son aspect Saguna ou personnel. 'Ram' est aussi valable comme le nom de l'incarnation de Dieu. C'est pour ces raisons que Ramdas pense que Ramnam est plus largement populaire en Inde que n'importe quel autre nom.

6.- Dieu est une merveille. Son nom est une plus grande merveille. Comme un ver va à travers le bois jusqu'à ce qu'il fasse le trou à l'intérieur, le Ram Mantra détruit graduellement tous vos désirs et vous purifie de part en part. En le chantant, une nouvelle force, une nouvelle joie et une nouvelle lumière se révéleront elles-mêmes en vous. Alors vous réaliserez que vous êtes un esprit immortel et brillant toujours identique à Dieu.

7.- Le Nom ou Mantra, par lui-même, doit être pris comme Dieu Lui-même. Il n'y a pas à méditer sur une forme de Lui séparée. Le son du Nom est Nada-Brahman ou Shabda-Brahman. Concentrez-vous dessus. Après la répétition du mantra pendant quelque temps, votre mental deviendra calme. Dans ce calme vous réaliserez le Divin qui demeure en vous, et Sa présence sera désormais ressentie à tous moments. Nama Japa est la voie la plus simple pour réaliser Dieu.

8.- Le Nom de Dieu, le Guru, le tout en tout. En vérité, le pouvoir du Nom de Dieu est simplement merveilleux. Il peut conduire l'homme au sommet de l'expérience spirituelle. Il accorde une liberté, une béatitude et une paix immortelles. Le Nom a le pouvoir de détruire le voile de Maya (2) ou ignorance et de vous porter face à face avec Dieu ou Vérité. Il vous donne d'un coup la béatitude de Bhakti (3) et Mukti (4). Le Nom n'est pas différent de Lui. Le Nom Divin est plus grand que toute philosophie existante dans le monde. Il est la clé par laquelle vous pouvez ouvrir toutes les portes du royaume de la paix et du bonheur éternels.

1) Vision.
(2) Voir dans 'Hamsa' où 'Maya' est abordée.
(3) Amour, dévotion.
(4) Libération.

9.- Sri Samath Ramdas (1) assure l'aspirant que s'il prend "Sri Ram Jai Ram Jai Jai Ram" 13 crores de fois (130.000.000), il aura la vision de Sri Râma. Le mantra mentionné par Samarth Ramdas est sans "OM". Le mantra que Ramdas vous donne est "Om Sri Ram Jai Ram Jai Jai Ram". 'OM' a une puissance spirituelle indescriptible. C'est pourquoi Ramdas, à partir de son expérience, vous dit qu'en répétant ce mantra avec 'OM' six crores de fois (60.000.000), vous atteindrez la libération. Répétez le mantra à tous moments jusqu'à ce que le but soit atteint. Vous n'avez pas à compter le nombre de mantras (2). Quand il atteindra 60.000.000 vous réaliserez automatiquement Ram - le Soi Suprême. Chanter Son Nom est la voie qui Le rend manifeste en vous. Le sens de 'Om Sri Ram Jai Ram Jai Jai Ram' est celui-ci :

Om = Vérité Impersonnelle
Sri = Puissance Divine
Ram = Dieu qui est la à fois Vérité et Puissance, à la fois personnel et impersonnel.

Ram représente le Purushottama (3) de la Gita (4) qui est en même temps Purusha et Prakrti (5) et aussi l'Un suprême (6), transcendant, au-delà des deux.

Jai Ram = Victoire à Dieu,
Jai Jai Ram = Victoire, Victoire à Dieu.

Lorsque Dieu est victorieux dans votre coeur, toute obscurité née du sens de l'ego disparaît. Il n'y a alors pour vous rien qu'une fête de la foie et de la paix immortelles !

10.- Ce n'est pas assez de chanter la gloire du Nom. Vous devez le garder constamment sur vos lèvres. Petit à petit, vous trouverez que le Nom prend possession de vous. Alors ce n'est pas vous qui possédez le Nom, mais le Nom qui prend possession de vous. Alors le mental refusera d'errer ici et là. Il devient absorbé dans le Nom et en tire une paix et une joie immenses. Le contact avec le Nom est contact avec Dieu, parce que Nom et Dieu ne sont pas différents. Le Nom est Dieu et Dieu est le Nom.

10.- Nama Sankirtan et Bhajan (7) doit être le moment principal pour un maître de maison (8) qui est un aspirant spirituel. Que la maison tressaille du son du Nom et de la gloire de Dieu ! Dans une telle maison l'atmosphère spirituelle aura toujours une réaction favorable sur la santé de ses occupants - à la fois physique et mentale. Le bonheur y coule à flots. En vérité, le Nom est Dieu. Il est présent là où Son Nom est chanté avec amour." (9)

 

(1) Sage du Maharashtra, maître spirituel de Shivaji.
(2) Nous ne comptons le nombre de mantra (et encore avec l'aide du mala) que pour le Ramnam Mahayagna.
(3) Purushottama = Purusha Uttama : la Personne Suprême, l'Etre au-delà de tout.
(4) Bhagavad Gita, partie du Mahabharata où Krishna enseigne la sagesse et la voie pour L'atteindre. Nous y reviendrons.
(5) v. dans 'HAMSA' où Purusha et Prakrti sont abordés. Swami Ramdas, qui s'exprimait en anglais, emploie d'ailleurs ces termes sanscrits, qui n'ont pas d'équivalents.
(6) Brahman, ou Nirguna Brahman (sans qualités).
(7) Chants du Nom
(8) Ou une maîtresse de maison, bien évidemment.
(9) Jésus a dit : "Là où deux ou trois sont réunis en Mon Nom, Je suis là au milieu d'eux".

 

Alors qu’il séjournait dans l’ashram de Swami Ramdas, un des sages les plus vénérés de l’Inde, Arnaud Desjardins raconte:

«Ce soir, un nouveau venu s’est encadré dans la porte toujours ouverte sur la campagne. Sans âge, grand, très droit, imposant, un crâne minutieusement rasé, un étrange regard perçant et impassible, partout on se retournerait sur lui. Il fascine et effraye en même temps.

Il ne se prosterne pas devant Ramdas: à peine une salutation des mains jointes. Quelques mots d’un swami qui l’accompagne et le présente à Papa
[surnom affectueux donné à Ramdas] nous apprennent que c’est un yogi réputé qui s’insère dans une chaîne d’initiés fameux et a lui-même plusieurs disciples.

Il s’est assis au fond de la salle. Je ne peux détacher mon regard de lui et, pendant un moment, je me détourne de Ramdas. J’ai l’impression inquiétante que le pouvoir et la maîtrise qui se dégagent de cet extraordinaire yogi ont une puissance qui manque à Papa, si simple, si souriant, si enfantin. La joie inépuisable, la paix, l’amour, bien sûr, bien sûr. Mais la connaissance et le contrôle des énergies subtiles, des forces qui traversent notre univers, les mondes intermédiaires dont parle toute la tradition de l’ésotérisme, l’éveil des possibilités latentes en l’homme, les pouvoirs transmis secrètement de maître à disciple. Tout cela dont j’ai souvent entendu témoigner, je l’ai devant les yeux contenu en cet homme inhumain et surhumain. Un monde mystérieux et déroutant s’ouvre devant moi, auquel je ne pensais plus bien que j’en sache assez pour savoir qu’il existe. Et me voici face à face avec lui.

Mais je ne peux regarder plus longtemps vers le fond de la salle. Il faut bien que je me tourne du côté de Papa.

Ce que je vis me laissa le souffle coupé. C’était clair, évident, éclatant, lumineux: je venais de me détourner d’un rêve et j’avais l’éveil devant moi. Certes je ne niais pas que ce yogi eut atteint un accomplissement fantastique. Mais dans le rêve, dans le rêve. Tous les plans occultes, qu’on les appelle astral, subtil ou causal, sont encore Maya, encore Maya. Oui, nous dormons, nous dormons, et devant moi, rayonnant, sublime, Vérité, Joie, Amour, le petit vieillard édenté est éveillé.

A côte de l’humble Ramdas, le grand yogi, tout simplement, n’existait pas.»

 

 

Quand Swâmiji séjourna à Bourg-la-Reine en 1996, notre fille Muriel avait alors neuf ans. Elle avait déjà l’expérience de deux longs séjours en Inde et rencontré bien des sages pendant ces voyages. Elle m’a fait traduire à Swâmiji : « Est-ce que Swâmiji a des pouvoirs miraculeux ? » Swâmiji a répondu que non. Muriel, qui savait que Mâ Anandamayi et Swâmi Ramdas avaient des pouvoirs, a été un peu surprise. Swâmiji a alors précisé : « Swâmiji a eu des pouvoirs mais ils ont disparu. » Cette réponse n’était pas encore satisfaisante pour l’enfant. Aussi Swâmiji a-t-il dit : « Si, Swâmiji a deux pouvoirs miraculeux, infinite love, infinite patience, amour infini, patience infinie. »

 

 

 

«Pendant près d’une année, Râmdâs se débattit dans un monde plein de soucis, d’anxiétés et de peine. Ce fut, par sa faute, une période terrible d’inquiétude et de tension. Dans cet état de misère désespérée, un cri jaillit du coeur de Râmdâs: “Où trouver le soulagement? Où trouver la paix?” Sa plainte fut entendue, et dans le grand vide retentit une voix: “Ne désespère pas, aie confiance en Moi, et tu seras libéré.” C’était la voix de Râm. Cet encouragement fut comme une planche de salut jetée au nageur en péril qui se débat dans la mer déchaînée. Une grande assurance tomba sur le coeur meurtri du malheureux Râmdâs comme une douce pluie sur la terre assoiffée. Dès lors, une partie du temps occupée auparavant par les choses du monde fut consacrée à méditer sur Râm, qui octroya, dans cette période, paix et soulagement véritables. Peu à peu, son amour par Râm, le Donneur de Paix, augmenta. Plus Râmdâs répétait le nom de Râm et méditait sur Lui, plus il ressentait de joie et de soulagement. Les nuits, qui étaient libres de tout devoir terrestre, furent consacrées, à part deux heures de repos, à chanter les louanges de Râm. Sa dévotion pour Râm progressait par sauts et par bonds.

Le jour, alors qu’il était envahi par l’anxiété et le souci que lui causaient des ennuis d’argent, des soucis de toute espèce, Râm venait à son aide d’une façon inattendue. Aussi, dès qu’il pouvait se libérer, même pour peu de temps, de ses occupations matérielles, se mettait-il à méditer en prononçant le nom de Râm. En marchant dans la rue, il répétait: Râm, Râm. Il perdait toute attraction pour les choses de ce monde. Habits recherchés et toiles fines furent remplacés par le grossierkhaddar; une simple natte fut substituée au lit. Pour sa nourriture, il réduisit à un seul les deux repas de la journée, et plus tard, ce repas ne consista plus qu’un bananes et pommes de terre bouillies. Les piments et le sel furent complètement abandonnés. Il n’avait plus goût que pour Râm, et sa méditation sur Râm devenait continue, englobant toutes les heures de la journée et les prétendus devoirs sociaux.

A cette époque, le père de Râmdâs, inspiré par Râm Lui-même, vint le voir et, le prenant à part, lui transmis l’initiaiton du Râm-mantra: “Shrî Ram, Jaï Râm, Jaï Jaï Râm”, et l’assura que, s’il répétait continuellement ce mantra, Râm lui accorerait le bonheur éternel. Cette initiation par son père — qu’il considéra dès lors comme son gourou — fit faire au débutant de rapides progrès dans la vie spirituelle. Râm l’invitait constamment à lire les Enseignements du Seigneur Krishna dans la Bhagavad-Gîtâ, ceux de Bouddha dans Lumière de l’Asie, ceux de Jésus-Christ dans le Nouveau Testament, ceux du Mahâtmâ Gandhi dans Jeune Inde et l’Ethique de la religion. L’influence de ces grands hommes créa ainsi, dans l’esprit de Râmdâs, une atmosphère chargée d’électricité où grandit la jeune plante de bhakti (dévotion pour Dieu). C’est à ce moment que son esprit s’éveilla lentement à l’idée que Râm était la seule réalité et que tout le reste était faux. Tandis que l’attachement aux jouissances terrestres l’abandonnait rapidement, la notion du “moi” et du “mien” s’effaçait aussi. Le sens de la possession et des relations entre individus distincts s’évanouissait. Tout, pensée, esprit, coeur et âme se concentra sur Râm, Râm recouvrant et absorbant tout.

Ainsi Râm avait arraché Son esclave à l’étroit bourbier de la vie du monde et l’avait jeté dans l’immense océan de la Vie universelle. Mais Râm savait bien que pour nager dans ce vaste océan, il faudrai à Râmdâs de la force et du courage. Pour lui faire acquérir ces qualités, Râm fit passer son esclave ignorant et novice par une suite d’épreuves sévères sous Sa direction immédiate et avec Son aide. Une nuit, alors que Râmdâs savourait la douceur d’invoquer Son nom, Râm lui suggéra ces pensées:

O Râm, quand Ton esclave Te voit à la fois si puissant et si tendre, quand il sait que celui qui se confie à Toi obtient sûrement la vraie paix et le bonheur, pourquoi ne peut-il se remettre complètement à Ta miséricorde et renoncer à tout ce qu’il appelle “moi”? Tu es tout en tout pour Ton esclave. Tu es le seul Protecteur en ce monde. Les hommes se leurrent quand ils disent: “Je fais ceci, je fais cela; ceci ou cela est à moi.” Tout, ô Râm, est à Toi, et toutes choses sont faites par Toi seul. La seule prière que Ton esclave T’adresse, c’est de le prendre entièrement sous Ta direction et lui ôter son sens du “moi”.

Cette prière fut entendue. Le coeur de Râmdâs poussa un profond soupir; une vague de désir passa dans son esprit de renoncer à tout et d’errer par la terre en quête de Râm, sous la robe de mendiant. Alors Râm le poussa à ouvrir au hasard le livre La Lumière de l’Asie qui se trouvait devant lui; il tomba sur la page où est décrite la grande renonciation du Bouddha: “Car maintenant l’heure est venue de quitter cette prison dorée où mon coeur a vécu comme dans une cage, et de trouver la Vérité que je chercherai désormais pour l’amour des hommes, jusqu’à ce que je l’aie trouvée.”. Puis Râmdâs ouvrit le Nouveau Testament et lut le message sans équivoque de Jésus-Christ: “Celui qui, par amour pour Moi, a abandonné maison, frères et soeurs, père et mère, femme ou enfant et terres, sera récompensé cent fois et recevra la vie éternelle.”. Il fut encore incité à ouvrir la Bhagavad-Gîtâ et y trouva le verset suivant: “Abandonne tous tes devoirs, cherche en Moi seul un refuge; ne t’attriste pas, Je te libérerai de touts tes péchés.”

Râm lui paralit ainsi par la vois de ces trois grandes Incarnations divines, Bouddha, Christ et Krishna, et tous trois indiquaient le même chemin: la renonciation. Râmdâs prit ausitôt la décision de quitter ce monde de samsara, de renoncer, pour l’amour de Râm, à tout ce qu’il avait serré sur son coeur et considéré comme sien. Il s’habilla très simplement de deux pièces de toile enroulées, l’une sur la partie supérieure, l’autre sur la partie inférieure de son corps. Le lendemain, il fit teindre en ocre route deux morceaux de toile; la nuit suivante, il écrivit deux lettres, l’une à sa femme qui, grâce à Râm, n’était déjà plus qu’une soeur pour lui, l’autre à un bon ami que Râm lui avait fait connaître pour le délivrer de ses dettes; et, à cinq heures du matin, il dit adieu à un monde qui n’avait plus d’attrait pour lui, et dans lequel plus rien n’existait qu’il pût nommer sien. Le corps, l’esprit, l’âme, il déposa tout aux pieds de Râm, l’Être éternel plein d’amour et de pitié.»

Swâmi Râmdas, “Carnets de pélerinage”, Albin Michel, Coll. Spiritualités vivantes, 1973, p. 18.

 

Un extrait de : Ramdas, un maître spirituel de l'Inde d'aujourd'hui, Marc Averous

"Papa, voudriez-vous être notre sauveur, vous aussi?" Papa se tourna vers elle et sourit. "Ramdas est prêt, mais l'êtes-vous? Il est dans le même état que le marin qui sort son bateau sur la mer en tempête, sous une pluie torrentielle pour sauver un homme luttant dans les vagues. Il lui demande de monter dans son bateau, mais la stupide créature dit "Oh, non, je veux suivre mon propre chemin" et refuse d'être sauvée.
"Le marin ne peut-il pas le faire monter de force dans son bateau, n'est-ce pas son travail de sauver les gens de la noyade?" demanda un devotee.
Oui, il peut le faire aussi (...)
D'accord, Ramdas est prêt à vous faire monter tous, n'importe qui, et chacun, dans son bateau. Etes vous prêt à y être hissés? Ramdas ne demande aucun effort de votre part - il fera tout ce qu'il faudra. Ce qu'il vous demande est : cesse toute votre activité, vos luttes, tenez vous calme et abandonnez vous à lui. Il vous sauvera, êtes vous prêts?
Les participants se regardèrent l'un l'autre mais personne ne répondit.(...)
Ramdas vous donne 3 minutes (il regarda sa montre). Que toute personne parmi vous qui veut être sauvée, qu'elle le dise. Seulement, vous devez être préparés à quitter tout ce que vous avez chéri pendant si longtemps comme vôtre, afin d'embrasser l'univers comme Sa manifestation. Prêts?
De nouveau personne ne répondit (...).
Trois fois Papa fit son offre et trois fois elle fut accueillie par le silence de ceux qui, seulement quelques instants plus tôt avaient demandés à être sauvés. Alors, avec le sourire d'une compassion et d'une pitié infinies, Papa dit à voix basse : "les trois minutes sont passées, l'offre n'est plus valable.
Personne d'entre ces disciples ne dit plus rien. Il se prosternèrent aux pieds de Papa et rejoignirent leurs chambres.

 

 

 

 

 

Réponses de Swami Ramdas

Sadhak : Quelle est la différence entre le corps et l'Esprit ?
S.R. : Nous devons savoir que nous ne sommes pas le corps mais l'Esprit sans nom et sans forme qui pénètre tout. Nous en venons par la suite à réaliser que les deux, corps et Esprit, sont un.
Sadhak : C'est une leçon difficile à apprendre. Comment parvenons-nous à cette conclusion ?
S.R. : En calmant le mental.
Sadhak : Que dit la Gîta à ce sujet ?
S.R. : Pour réaliser l'Atman nous devons nous dissocier du corps. Le corps est une expression changeante qui a un nom et une forme, alors que l'Atman ne change pas et n'a ni nom ni forme. Ce sont deux entités, l'une active et l'autre inactive. Ensemble elles sont une; pourtant elles semblent séparées. Shiva est l'Esprit sans nom, sans forme et sans mouvement, calme et silencieux; Shakti produit la manifestation universelle. Ils sont un et le même. C'est le message de la Gîta. C'est un mystère que l'intellect ne peut saisir. C'est pourquoi il est appelé Uttamam rahsasyam - le plus grand des secrets. Deux choses diamétralement opposées sont une et la même. Ceci est l'expérience des sages. Vous vous identifiez avec la Prakrti et vous avez oublié l'Esprit. Lorsque vous vous élevez au-dessus du mental et que la conscience du corps est perdue, vous réalisez l'Esprit. Vous trouvez alors que Purusha et Prakrti sont un et le même.

Le bonheur et la misère sont la même chose pour vous lorsque vous vous élevez au-delà du mental. Sur le plan mental vous ne pouvez le comprendre. Lorsque vous atteignez un plan plus élevé de conscience ces choses sont parfaitement fausses pour vous. Vous ne les voyez pas du tout comme des opposés. Elles sont une et la même. Où les opposés se rencontrent, là les opposés sont transcendés. On appelle cela Samatva, là vous trouvez Dieu. Il y a là un équilibre et une paix parfaits.
Sadhak : Comment atteindre cette conscience ?
S.R. : En calmant le mental. Cela veut dire : être sans mental. Le mental n'est qu'un paquet de désirs.
Sadhak : S'il vous plaît, expliquez comment la répétition du Nom de Dieu aide à calmer le mental. Nous voudrions que vous parliez de l''abandon'.
S.R. : Ramdas, pour sa part, a trouvé que la répétition du Nom de Dieu était le moyen de plus efficace pour calmer le mental. Dans le calme du mental, vous réalisez que vous n'êtes pas le corps, mais l'Esprit omnipotent, omniscient et omnipénétrant. La répétition constante du Nom de Dieu libérera le mental de sa dynamique et le rendra parfaitement calme et serein. Dans cette sérénité, vous réalisez que vous êtes l'Atman. Sri Ramakrishna a dit qu'un mental pur et calme est lui-même Atman. Le mental, lorsqu'il est calme, n'est pas le mental. C'est le pur Esprit, et sa nature est universelle, omnipénétrante, éternelle et infinie. Aussi celui qui a réalisé Dieu a-t-il une vision universelle ainsi qu'un amour universel basé sur cette vision. L'ego est complètement absent. Après cela vous voyez l'unité dans la diversité, l'unicité dans la multiplicité. Vous réalisez qu'il n'y a qu'une seule Vérité et que cette Vérité est devenue tout. Ainsi, le sens de la dualité ayant disparu, vous n'avez pas la conscience des paires opposées : ami et ennemi, succès et échec, goûts et dégoûts, et gain et perte. Celles-ci n'ont pour vous aucune signification. Dans toutes les conditions, dans tous les états, vous êtes parfaitement libre et heureux.
Sadhak : Les Puranas disent que Shiva est au Kailash et que Vishnu est au Vaikunta.
S.R. : Dieu est dans votre coeur et pénètre partout. Vous devez adorer Dieu comme une Réalité omnipénétrante. Shiva ou Vishnu est dans votre coeur. Il n'est pas seulement dans les temples, au Kailash, au Vaikunta ou au ciel. Toutes ces choses sont en vous et Dieu y réside. C'est ce que nos Rishis nous ont enseigné. Vous devez ressentir Sa présence au-dedans de votre coeur. Vous Le trouverez alors partout au-dehors. L'adoration d'images à l'extérieur peut être quelque chose comme le jardin d'enfants. Cela peut vous aider au commencement pour la concentration. Plus tôt vous commencerez à L'adorer au-dedans et à chanter Son Nom, mieux ce sera pour vous. Vous sentirez progressivement votre unité avec Lui et Le verrez partout comme la manifestation de l'Esprit omnipénétrant et statique. Ramdas ne peut exprimer ce qu'est Dieu.
Sadhak : Est-ce parce que nous ne pouvons pas comprendre ?
S.R. : Personne ne peut comprendre, aussi personne ne peut exprimer ce qu'Il est. Nous disons : "Il a réalisé Dieu." Qui a réalisé Dieu ? Vous êtes Lui. Dieu seul existe. Il n'y a rien ni personne à côté de Lui. Alors qui va expérimenter Dieu, réaliser Dieu ? Y a-t-il une telle chose que de réaliser ou d'expérimenter Dieu ? Ces mots semblent parfaitement absurdes. Celui qui parle, dont vous attendez qu'il vous parle, est aussi Lui. Aussi, tout ce qu'il peut dire sur Dieu n'est pas correct. De quelque manière qu'il parle, il est pris. Aussi Ramdas se tint-il tranquille pendant quelque temps. Lui, qui est Dieu, parler à Lui-même sur comment réaliser Dieu, c'est ridicule.
Sadhak : Et à propos du fait de chanter continuellement le Ram Nam ?
S.R. : Dieu chante Son Nom. Quel est le mal ?
Sadkak : Dans quel but ?
S.R. : Pour le plaisir. C'est tout plaisir et divertissement.
Sadhak : A qui sont les genoux qui ont mal lorsque nous sommes assis pendant six à sept heures devant Papa ? (Ramdas)
S.R. : Tout doit Lui être attribué. Lui seul existe. Il agit et n'agit pas. Il ressent et ne ressent pas. Il ressent de la peine. Il ressent de la joie. La peine est joie et la joie est peine.
Sadhak : Comment cela ? Il n'y a aucune joie quand les genoux ont mal.
S.R. : Qui ne ressent de la joie dans la peine ? Il n'y a ni peine ni joie. Joie et peine sont une et la même chose. Ce qui est ressenti comme de la peine n'est pas de la peine; ce qui est ressenti comme de la joie n'est pas de la joie. En fait joie et peine sont fausses.
Sadhak : Si on est capable de les transcender.
S.R. : Si elles sont fausses, où est la nécessité de transcender quoi que ce soit ? Restez où vous êtes.
Sadhak : Elles semblent vraiment réelles, Papa.
S.R. : A qui semblent-elles réelles ? Si vous essayez de découvrir qui ressent de cette manière, vous ne trouverez ni lui ni elle ni cela. Vous dites "Je ressens de la peine, Je ressens du plaisir." Essayez de découvrir le "Je". Cherchez le "Je". Il n'est pas là du tout. Lorsque cela-même n'est pas là, le plaisir et la peine que vous ressentez sont faux.
Sadhak : Comment et quand l'illusion commence-t-elle ?
Papa : Elle n'a jamais commencé parce qu'elle n'existe pas. C'est un grand casse-tête.

 

 

Un saint triste est un triste saint

La voie spirituelle doit-elle se morfondre dans son sérieux ? Ou devenir bonheur, rire, joie, espace de liberté et de clarté ?

 

A. D. : Lorsque j'ai commencé à voyager et à rencontrer nombre de sages hindous, soufis et tibétains, je me souviens avoir été tout de suite frappé par un aspect de leur comportement auquel je ne m'attendais pas : chez tous, la prestance, la dignité, une dimension vraiment sacrée lors des rituels ou méditations, allaient de pair avec une incroyable simplicité, une totale absence de prétention, un naturel, une joie qui, croyez moi, ne procédaient nullement d'une quelconque volonté de paraître simple. C'est alors que m'est vraiment apparu le sens de la célèbre parole des Evangiles : "Si vous ne redevenez pareils à de petits enfants, vous n'entrerez pas au Royaume des Cieux." Par ailleurs, j'ai éprouvé une surprise quelque peu cruelle en constatant la grande place que tenait le rire dans la vie quotidienne des ashrams et des monastères. J'avais en effet lu dans Fragments d'un enseignement inconnu - livre auquel je conserve aujourd'hui toute mon admiration - que, selon la tradition, le Christ ne riait jamais, le rire étant un défoulement de tensions dont le sage n'aurait plus besoin. Imprégné de cette idée, je débarque en Asie pour entendre tous ces Tibétains, hindous et soufis rire à longueur d'année ! Choc d'autant plus cruel que, l'action se déroulant très souvent non pas en anglais mais en hindi, en bengali ou en tibétain, je ne comprenais rien de ce qui faisait s'écrouler de rire un auditoire entier, un groupe de disciples, ou le maître lui-même... Il se trouvait toujours une bonne âme pour me dire, entre deux spasmes: "Brother, l must translate for you, l shall translate later on " (Frère, je dois traduire pour vous, je traduirai plus tard.") ; mais ladite traduction ne venait jamais, ou trop tard, une fois la vague retombée.

Heureusement, quelques sages, dont Swami Shivananda ou Swami Ramdas, s'exprimaient dans la langue de Sa Gracieuse Majesté, me permettant ainsi de ne rien perdre des réjouissances. Ramdas, en particulier, possédait un véritable don de pitre - j'emploie à dessein ce terme quelque peu choquant.

 

Nouvelles Clés : Des exemples précis vous reviennent-ils en mémoire ?

A. D. : Oh oui ! Un Occidental avait un jour envoyé à la mère de l'ashram, Mataji Krishnabai, un séchoir à cheveux. Or, Ramdas ouvrait toujours son courrier devant nous, sous l'arbre devant lequel nous passions une partie de l'après-midi. Sans doute lui avait-on donné par mégarde le paquet destiné à Mataji. Toujours est-il que nous avons eu droit à un bon quart d'heure de clowneries. Ramdas était à la fois chauve et rasé ; or, il s'est saisi de l'appareil et faisant comme si ce cadeau lui avait été adressé, a longuement glosé sur l'opportunité d'un tel présent, l'utilité d'un sèche-cheveux en l'absence du moindre poil, le tout parsemé de comparaisons avec la métaphysique hindoue, de considérations sur le réel, l'irréel, l'illusion, et agrémenté d'indicibles grimaces. Ah, il fallait voir Ramdas faisant mine d'utiliser l'objet, se demandant si dans son cas il valait mieux le mettre sur 1.000 ou 500 watts...

(il fallait également voir le visage d'Arnaud éclairé d'une joie enfantine tandis qu'il contait ces souvenirs avec une jubilation évidente. )

 

" Ne pas être impliqué tout en accueillant tout et ne refusant rien :

I'on se sent à la fois désintéressé et plein d'intérêt. "

 

N. C. : D'autres savoureuses anecdotes ?

A. D. : Je vais vous raconter une autre histoire à la manière de Ramdas qui, comme la plupart des sages hindous, parlait de lui-même à la troisième personne. (Arnaud, manifestement, se délecte de cette occasion de faire revivre la vertue ramdassienne.)

Un jour Ramdas, le serviteur de Ram, assis sous son arbre, voit arriver à l'ashram quatre ou cinq chars à boeufs chargés de caisses et de ballots. Ramdas, passionné, empli de curiosité (à ce stade de la narration, Arnaud ne peut se retenir de pouffer et commente : "comme si Ramdas fonctionnait selon les mécanismes ordinaires !") n'a plus qu'une idée en tête : savoir ce que contiennent ces énigmatiques caisses. Pour éclairer sa lanterne, Ramdas ne dispose que d'une maigre indication : le propriétaire de ce chargement si intrigant serait un Scandinave attendu depuis quelques jours à l'ashram. Au bout de deux heures le grand homme blond n'étant toujours pas venu donner à Ramdas la joie de l'accueillir, ce dernier décide d'aller lui-même saluer son hôte dans sa chambre ; laquelle est tellement encombrée que Ramdas, qui a toujours été persévérant et n'abandonne jamais son but en cours de route, doit se livrer à de longues recherches avant de finalement découvrir, entre deux caisses horizontales et deux caisses verticales, le Scandinave occupé à déballer son matériel. Ramdas, très intéressé, se fait expliquer de quoi il retourne et, à son grand étonnement, voit s'étaler sous ses yeux divers appareils ménagers fonctionnant sans l'aide de l'électricité : un réfrigérateur, une cuisinière, un climatiseur... Emerveillé, Ramdas conjure le Scandinave de ne pas manquer la rencontre du lendemain. Celui.ci, néanmoins, ne quitte jamais sa chambre, ne vient pas aux repas, arguant que la nourriture indienne ne lui convient pas et qu'il a tout ce dont il a besoin dans sa réserve. Le jour suivant, il explique à Ramdas être venu en Inde afin d'y pratiquer d'intenses austérités ! Ramdas ne manque pas de le féliciter de cette louable intention, non sans lui dire que, selon son expérience, les pratiques ascétiques comptent moins, pour se rapprocher du but, que la totale soumission à la volonté de Dieu. Malheureusement, ce grand homme blond devait très rapidement priver Ramdas de la joie de sa présence : à peine quatre jours s'étaient-ils écoulés que l'on a vu revenir les chars à boeufs. Le Scandinave a fait remballer son matériel et s'en est allé, considérant que la vie à l'ashram de Ramdas était beaucoup trop facile et pas assez austère. Il a proclamé son intention de se rendre très haut dans les Himalayas, à la source du Gange, afin d'y pratiquer de réelles austérités...

(Ravi, Arnaud exhume - jamais deux sans trois - une dernière histoire.)

 

A. D. : Un jour, deux amis disent à Ramdas : Krishna a donné la vision cosmique à Arjuna ; pourquoi ne nous donnez-vous pas, de même, la libération ? Ramdas les considère alors avec le plus grand sérieux et leur répond : "Puisque vous le demandez, à quatre heures cet après-midi, au début de la rencontre, Ramdas vous octroiera la délivrance." Une demi.heure après, les deux compères font chacun transmettre un message à Ramdas, sans même venir le voir : ils viennent de se souvenir d'obligations familiales et professionnelles impératives, lesquelles, à leur grand désespoir, les obligent à quitter l'ashram de toute urgence, au moment même où ils avaient la chance d'atteindre la libération. Comme leur karma est lourd, comme ils sont désolés ! Peu de temps après, assis sous son arbre, Ramdas voit les deux amis passer le plus loin possible de lui : les voici qui battent en retraite, joignant piteusement les mains en guise de salut tout en prenant bien soin de faire le plus grand détour, écartés de l'ashram par leurs impérieuses nécessités...

 

 

Arnaud Desjardins avec

le maître Taïsen Deshimaru

 

N.C. : Histoire authentique ?

A. D. : Je suis persuadé que Ramdas n'inventait pas ce genre d'anecdotes ; il ne se le serait jamais permis. Mais si l'on savait entendre, par-delà ses inénarables grimaces et mimiques, l'on se sentait , croyez-moi, directement concerné.

 

N. C. : Arnaud, la vie spirituelle consiste, entre autres, à demeurer situé à une certaine distance des choses et des événements, à ne pas être impliqué...

A. D. : Attention ! Ne pas être impliqué tout en accueillant tout et ne refusant rien : l'on se sent à la fois désintéressé et plein d'intérêt.

 

N. C. : Il y aurait donc un lien entre le sourire intérieur qu'engendre cette distance et la compassion ?

A. D. : Ah oui, il importe de ne pas s'y tromper. Le Sage est à la fois non impliqué et en communion. Cela n'a rien à voir avec la dérision amère, le cynisme ou la fausse gaieté de celui qui, ne se sentant pas assuré, tente ainsi de masquer son malaise. Le vrai rire, le rire pur, le rire d'enfant, va commencer avec la pleine acceptation de nos propres erreurs et de notre propre stupidité. Ce rire.là, qui est compassion, ne s'avère juste que s'il procède d'abord de notre regard sur nous.même, et non pas sur les autres. Plus l'on va vers le détachement plus l'on acquiert cette aptitude à rire de soi.même, sans jugement, d'un rire vraiment heureux et unifié, loin de tout ricanement.

 

N. C. : Et plus l'on peut rire, plus l'on se trouve à même de ressentir une vraie gravité, de s'ouvrir avec compassion à la souffrance des êtres, à la dimension tragique de l'existence.

A. D. : Bien entendu ! Si vous êtes capable d'avoir cette attitude joyeuse, d'être à l'aise, vous êtes alors en mesure de prendre profondément conscience de la gravité de la vie et de la réalité de la souffrance, puisque vous ne vous protégez plus. Il y a, dans la peinture japonaise, un personnage de Sage qui a franchement l'air de ce que nous appelons en français un imbécile heureux : un quidam au visage hilare, éclatant d'un rire hébété parce qu'il a péché une écrevisse ou pris un tigre pour oreiller (et nous de nous abandonner à un rire non moins hébété) ; ainsi, l'art japonais présente souvent le Sage sous une apparence qui, pour l'Occidental moyen est tout bonnement celle d'un crétin ! Selon moi, en tout cas - mais c'est là le fruit de trente ans de recherche et de doutes (dit-il en souriant) - mieux vaut être imbécile et heureux qu'intelligent et malheureux...

Encore une fois, tout a commencé pour moi lorsque j'ai pu de bon coeur sourire, même pas de moi, mais d'un personnage intitulé Arnaud Desjardins : un sourire non identifié et totalement compatissant. Charité bien ordonnée com. mence par soi.même. Voilà la graine du véritable humour. Ajoutons à cela que j'ai le soleil en Gémeaux : par tempérament, je n'ai jamais hésité à manquer de sérieux lorsque l'occasion s'en présentait, et cette caractéristique a subsisté à travers toutes les transformations...

 

N. C. : Lorsque vous plaisantez - et je sais avoir si souvent ri d'abondance durant vos réunions, le faites-vous sciemment afin de transmettre quelque chose ?

A. D. : Afin de transmettre ou tout simplement de détendre l'atmosphère, pour que tout cela ne soit pas figé, constipé... Je suis tellement frappé de constater à quel point les gens présents manquent de naturel, d'une aisance élémentaire... Ah, ces têtes figées, sinistres... Un jour, j'en arriverai à dire délibérément des sottises, à polluer moi-même la solennité du moment de silence à la fin des réunions ! (Et il éclate d'un rire tonitruant.) •

 

 

 

 

LITANIES DE RAMDAS

Pendant son séjour dans la grotte de Panch Pandav

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Ô Ram, Tu es père, mère, frère, ami, instructeur, savoir, renommée, richesse. Tu es tout ! Tu es le seul refuge. Permets à Ton esclave d'être à jamais perdu en Toi, en Toi seul.

Ô Ram, ce que Ton esclave Ramdas doit faire ou ne pas faire, Toi seul dois en décider. Il est égaré. Il est impuissant ; fais qu'il abandonne tout à Toi. Fais qu'il mange, boive, dorme, marche, s'assoie, se lève, pense, regarde, entende, sente, touche, fasse toute chose en Ton nom et seulement par amour pour Toi. Ô Ram, ô Mère divine, Ramdas est Tien entièrement - coeur, âme, corps, esprit, tout est à Toi, tout.

Ô Ram, Ton esclave ne sait que penser de Ton amour infini. Doit-il en pleurer, doit-il en sourire ? Doit-il verser des larmes ? Doit-il rire ? Ton amour est parfois aussi grand, aussi majestueux, aussi vaste, aussi tumultueux que le puissant océan et ses vagues mugissantes. Et d'autres fois Ton amour est aussi doux, aimable, tendre et silencieux que le flot caressant d'un petit ruisseau et la musique de ses vaguelettes.

Ô Ram, garde Ton esclave absorbé en Toi, toujours. Il est à la fois Ton esclave et Ton enfant. Il est désireux de Te servir de toutes manières, selon la sagesse que Tu lui octroies. Il est Ton enfant innocent qui se tourne toujours vers Toi pour être guidé et protégé. Ô Ram, ne lui permets jamais d'oublier Tes saints pieds. Ô Ram, ne le mets jamais dans une situation où il T'oublierait.

Ô Ram, sauve, sauve Ton humble esclave - Ton enfant ignorant.

Ô Amour infini, fais entrer dans le coeur aride de cet enfant au moins un peu de Ton amour.

Ô Ramdas, bois, bois sans cesse le suave nectar de l'amour de Ram.

Ô Ram, fais que Ramdas soit fou de Toi, fou, fou à lier ! Il ne désire rien d'autre. Que comme un sot il ne parle que de Toi. Que le monde le déclare fou, ô Ram, oui, fou de Toi.

Peu importe à Ramdas l'opinion de celui-ci ou de celui-là. On ne saurait l'enchaîner. Ô Ram, veille à ce qu'il ne soit pas enchaîné. Fais qu'il ne soit lié que par Tes chaînes, qui sont les chaînes de Ton amour. Mais Ton amour est libre. Alors où sont les chaînes ? C'est une liberté enchantée dans les fers. Ô Ram, la folie de Ton amour, quelle douceur, quelle ivresse, quel délice !

Ô Ram, rends pur l'esprit de Ton esclave. Fais qu'il ne voie nulle part le mal. Fais qu'il ne voie point de fautes en autrui, mais seulement le bien. Ô Ram, de Ton esclave aie miséricorde. Emplis son esprit de Ta grâce. Tu es le seul refuge de Ton esclave. Ô Protecteur de l'univers, Père plein d'amour, élève Ton esclave hors de la conscience d'une vie étroite en un corps périssable. Fais-lui réaliser Ton amour infini. Ô Ramdas, monte, monte par-delà les limites étroites que toi-même tu t'es tracées. Tout amour et toute bonté, Ram te dit : "Ne tarde pas, Mon enfant, lève-toi ; voici Ma main, saisis-la et sors de la servitude en laquelle tu vis." Ô Amour, ô Vie universelle, ô Mère, ô Ram, comme il est merveilleux de se baigner sans cesse dans le soleil de Ton rayonnant amour.

Ô Ramdas, tu es en Ram et hors de Lui. Tu es partout avec Lui ; Il est partout avec toi. Il ne peut te quitter, tu ne peux Le quitter. Il est lié à toi et tu es lié à Lui. Tu es en Sa garde ; Il est en ta garde. Il ne peut Se passer de toi, tu ne peux te passer de Lui. Il vit en toi et tu vies en Lui. Cependant tu es Son esclave et Il est ton Protecteur. Ô Ram, Tu es Deux, mais Tu es Un. L'amant et l'Aimé, étroitement embrassés, deviennent un. Deux deviennent un et l'Un demeure, éternel, infini, l'Amour. Ô Amour, ô Ram. Délire, ô esprit qu'a saisi la folie de l'amour de Ram.

Ô Ram, détruis en Ramdas les désirs. Ecrase-les pour l'en délivrer. Conduis-le et donne-lui éternelle demeure en Toi. Ô folie de Ram, ô Amour, fais que la dureté, la colère, le désir quittent Ramdas entièrement. Pur, qu'il soit pur, son esprit, par Ta grâce. Ram, sauve-le, sauve-le. Ô Ram, Tu es Amour qui baigne tout. Ram, Ram, Ram partout. Dedans, dehors, dans toutes les directions, au-dessus, au-dessous, dans l'air, les arbres, la terre, l'eau, le ciel, l'espace, en tout, en tout est Ram - en tout est l'Amour. Ô Ram, ô joie, ô Amour, ô Extase, ô Folie, ô Bonté - ni repos, ni sommeil, ni nourriture, ni plaisir, mais seulement Ton Divin amour, Ta divine lumière. Ô joie, Ramdas demeure plongé dans le nectar de l'amour infini de Ram. Ô lumière, éblouis ! Ô éclairs, ô gloire de Ram, flamboyez, flamboyez ! Ô bonheur suprême, ô félicité. Ô Joie. Viens, ô Ram. Ramdas est perdu en Toi. Perdu, perdu, dans la joie, dans une félicité indescriptible, dans Ta splendeur, dans Ta lumière - flamboie, flamboie, partout flamboie. Amour, amour, amour, partout amour.

Renommée, gloire, richesses, parents, amis, tous - mirage. En eux rien de réel, rien de vrai. L'esprit fixé sur Ram donne la paix infinie, la béatitude infinie, car Ram est amour, Ram est bonté, Ram est joie.

Que le corps s'en aille, que l'esprit s'en aille, que les sens disparaissent, que les mondes s'évanouissent ! Que tout ce qui apparaît quitte son existence de fantôme. Ram, l'Amour éternel, l'éternelle béatitude, Ram vit, demeure. Ram est pur, immaculé, serein, paisible. Salut à Toi, Ram, salut !

Folie de Ram. Folie de l'amour de Ram. Viens, prends possession de Ramdas et fais qu'il nage pour toujours et à jamais dans l'océan de Ton amour insondable.

Suave folie, fraîche folie, douce folie, folie qui est paix, car elle est adoucie par le philtre d'amour de Ram.

Qu'elles s'éloignent, toutes les joies de ce monde éphémère ; le soleil de la félicité de Ram est au firmament, montant dans toute sa gloire, versant tout alentour la splendeur de ses rayons d'amour et de paix, dissipant les ténèbres de misère, faisant pâlir les étoiles même et la lune - les plaisirs du monde éphémère, qui vont s'effaçant - arrière !

L'oiseau s'est envolé de sa cage et a pris son essor haut dans l'air, se perdant dans le vaste espace, perdu en Ram - goutte dans l'océan.

Ô esprit, sois à jamais ferme et fixé sur Ram. Pour toi, toute autre occupation est inutile, entièrement. En ta quête de Ram, que nulle opinion du monde ne te trouble. Quand Ram est tien, tu n'as besoin de rien. Reste avec Ram toujours, et tes paroles, tes actions, tes pensées sont toutes Siennes. Ramdas, éveille-toi, secoue-toi, ne te relâche jamais dans ton progrès. Va, saute, bondis - cueille le fruit d'or - jouis de l'éternelle félicité. Oh qu'il est doux, le fruit, - son goût enivre du tendre amour de Ram.

Tu n'es rien, Ramdas. Tu ne vaux rien, Ramdas. Si quelque bien vient de toi, c'est à Ram. Tu n'es qu'un morceau d'argile puante. Assez de vanité, Ramdas.

Ramdas, tu es maintenant fou, complètement fou. Ô douce folie, ô folie, folie, folie. Ô amour, amour, Ramdas, en vérité tu es fou. Mais Ram est le sujet de ta folie. Tu es dans la folie pure, Ramdas. Bois, bois l'amour de Ram, le nectar de Ram. Partout éblouit la lumière de Ram.

Ramdas, tu es libre, rien ne t'enchaîne. Tu es libre comme l'air. Prends ton essor, vole haut dans les cieux jusqu'à t'épancher en tous lieux et pénétrer l'univers entier. Deviens un avec Ram. Tout est Ram, tout est Ram. Quel spectacle que la lumière éblouissante de Ram partout répandue. Flamboiement d'éclairs. Ô Majesté, ô Divinité, ô Amour, ô Ram ! Ramdas, ta folie vaut tout ce qui est dans le monde et tout ce qui n'y est pas. Rejette la sagesse. A qui peut-elle être utile ? La sagesse est poison, la folie est nectar - folie de Ram, entends-tu, Ramdas ? Ramdas, tu n'as pas d'existence séparée. Ramdas, qui es-tu ? Un fantôme par toi créé. Sors de ce fantôme et demeure en Ram - Ram, océan d'amour, de félicité et de lumière, "goutte de rosée glissant dans la mer étincelante".

Etre comme un enfant, être fou de Ram, et posséder la suprême sagesse - c'est une seule et même chose.

Ô Ram, Ton esclave Ramdas est à Toi complètement. Sa vie est entièrement consacrée à Ton service. Que la douceur de Ton amour infini pénètre l'âme de Ramdas ; donne à Ton esclave la force de résister à toutes les tentations de ce monde tellement irréel. Fais qu'il vive toujours en Toi.

Ô Ram, Ton esclave Te supplie encore et encore de le rendre fou de Toi, mais Tu n'écoutes pas les prières jaillies de son coeur. Tu ne lui donnes la folie que pour de courts instants - pourquoi pas pour toujours ? Fais que son esprit ne pense à rien d'autre qu'à Toi, Toi, Toi seul - telle est la folie à laquelle il aspire. Aie pitié de lui, ô Ram.

Fais que l'esprit de Ramdas soit toujours plein de Toi, éveillé, endormi, en rêve. Ô Ram, ô Mère, ô Protecteur, aie pitié de Ton enfant, de Ton esclave.

Envoie Ramdas à sa mission, ô Ram. Fais qu'il aille par le monde, qu'il travaille, souffre, meure pour Toi. Que l'assaillent mépris, persécution, et même la mort pour Ta loi d'Amour, de Félicité et de Lumière. Que le feu de l'épreuve purifie l'âme endormie de Ramdas. Le sommet de la misère est le sommet du bonheur. S'élever au-dessus des deux est vraie béatitude, paix véritable. Ô Ram, lance l'appel. Qu'il vienne, Ton ordre sévère. Sinon, que ce corps, chose sans valeur, se flétrisse et périsse. Que chaque minute de son existence soit employée à Ton service, ô Ram.

Assez bercé. Voici l'orage. Ramdas sent surgir en lui, vague après vague, la puissance de la grande houle. Ô Ram, protège Ton esclave, donne-lui l'énergie - donne-lui la force - donne-lui Ta sagesse, et fais qu'il s'offre en sacrifice à l'autel de Vérité, à l'autel d'Amour - dans la flamme de Lumière. Ram est tout. Ram, Ram, Ram. Ô sauve, sauve, sauve - Ramdas est à Toi, vie, corps, âme, tout, tout.

Fais que Ramdas soit fou de Toi. Vite - pas de temps à perdre. Vite, vite. Aie pitié de lui. Om Sri Ram !

Monte, monte, ô désespoir de l'Espoir. Monte, monte, ô joyeuse misère. Monte, monte, beau rêve de la vie éternelle. Monte, monte, ô félicité, majesté - quel bonheur ineffable de pleurer, sangloter, sourire, rire, vivre, mourir pour l'amour de Ram, pour la grâce de Ram, pour la lumière de Ram.

Paix, paix, paix.
Ram, Ram, Ram.

Tu n'es pas faible, Ramdas, tu es tout puissant. Ram t'a pénétré de Sa splendeur divine. Tu es la semence infinie. Ram a déversé en toi un flot de Sa lumière. Eveille-toi. Tu es fort, tu peux tout vaincre par la puissance de l'amour de Ram. Cesse de ramper, cesse de te croire faible. Du sommet des montagnes, du sommet des maisons, fais retentir le clairon de la gloire de Ram, de l'amour de Ram. Ose ! Marche ! En avant ! Brave l'orage ! Le sort est ton esclave. Garde-le terrassé sous ton pied. Comment avoir peur avec Ram pour allié ? Sors de tes limites étroites. Monte et vole et étreins le globe entier en un seul embrasement d'amour. Ta demeure est l'entier univers qui est ton corps. Tu y vis, Amour. Rien n'existe qu'amour, amour suprême. Chaque feuille, chaque brin d'herbe, chaque grain de poussière, chaque atome de vie est un cantique à Ton amour, ô Ram. Chaque rayon de lune, chaque rais de soleil, chaque scintillement d'étoile irradie Ton amour. Ô Ram, chaque larme, chaque sourire, chaque rire, chaque murmure de joie est chargé de Ton amour, ô Ram.

Ô Ramdas, monte au sommet de la renonciation et là-haut, de la cime, vois la nature éphémère du spectacle qui t'entoure. Partout tu vois naissance, croissance, mort. Tous, tous courent à la fois sur la même route vers la destruction. Quelle effroyable condition de désespoir aurait été celle de l'homme au milieu de ce vaste champ de crémation - de ce vaste cimetière où tout à la fin est réduit en poussière et en cendres, n'eût été cette influence éternelle et suave - cette divine ambroisie appelée Amour ! L'Amour est une vraie réalité lumineuse qui coule à travers toutes les formes éphémères constituant cette structure de l'univers, sauvage, variée, immense. l'Amour est bonheur. L'Amour est Dieu. L'Amour est Ram.

Ô Ram, remplis, remplis, remplis Ramdas du nectar de Ton amour. Que nulle pensée de différence n'effleure son esprit. Fais qu'il voie tout à la lumière de l'Amour.

Ô Ram, c'est Toi qui pleures dans les douleurs du monde. C'est Toi qui souris dans le bonheur du monde. Et pourtant, Tu es au-dessus de toute douleur.

Ram, Tu es un éternel enfant d'Amour. Ramdas toujours se penche pour saisir Tes tendres sourires, qui toujours lui échappent.

L'Amour répand sa lumière rafraîchissante. Ramdas ouvre les lèvres pour en boire, mais la lumière s'échappe.

Enfin Ramdas saisit les sourires - de petits riens lumineux qui éclairent son visage.

Enfin Ramdas boit à pleine gorge la lumière d'amour et doucement flotte sur la mer de paix.

Ô Amour, ô Ram, enveloppe toute chose de la douce flamme de Ton rayonnement. Ô Amour, fais que chaque vibration soit rythmique et vraie. Fais que règne en tout lieu l'ineffable douceur de la béatitude.

Ô Ram, fais que Ramdas soit fou de Toi. Qu'il ne parle de rien autre que Toi. Toi miséricordieux. Toi aimant. Ô Amour, ô miséricorde - que Ramdas soit complètement à Toi.

Quoi que Tu fasses, ô Ram. Tu le fais pour le bien. Ramdas est complètement à Toi. C'est Toi qui le fais marcher, parler, penser, agir, comme Tu le veux. Rien ne lui donne chagrin ni regret. Il demeure en Toi toujours. Il peut Te voir, ô Ram, partout. Toi seul as revêtu la forme de cet univers - cette somme de mondes vastes, variée, pittoresque. Oh quel majestueux spectacle que le Tien ! Quelle sublime manifestation ! Les vastes étendues d'eau - les puissants océans qui étincellent sous le soleil comme un liquide argent - portant dans leur sein une diversité de vies animales par eux créées - c'est Toi. Ô ciel immense, que Tu es magnifique ! Dôme d'azur sans limite semé çà et là de nuages floconneux aux formes fantastiques, ciel qui soutiens en ta puissante étreinte des créatures innombrables par toi créées ! Ô Terre, dont la circonférence que l'oeil ne saurait suivre essaie vainement de mesurer les limites des cieux qui l'étreignent. Quel spectacle indescriptible ne présentes-tu pas à l'émerveillement du soleil, de la lune et des étoiles qui ne sont jamais las de regarder tes beautés en tes attitudes toujours changeantes. Tes vallées sont couvertes de fraîche verdure, parcourues d'eaux étincelantes. Tes monts percent le ciel, gardiens géants de ta paix. Les immenses étendues de tes forêts, aux couleurs vertes, aux couleurs jaunes, te font une robe de beautés dont les plis pleins d'amour abritent les diversités jamais décrites des vies que tu as créées.

Qui a fait naître ce spectacle somptueux ? Il est tout entier l'oeuvre de Ram, l'oeuvre d'Amour - il est Ram Lui-même manifesté en toute la grandeur de Son amour.

Ô Ramdas, tu n'as rien en ce monde que tu puisses appeler tien. Tout est à Ram, y compris toi-même. Tout ce que fait Ram est bien. Ram est celui qui agit. Ramdas, vis toujours en harmonie avec Lui. Ô Ram, exauce ma prière. Tu es tout-en-tout pour Ton esclave. Il a besoin de Toi et de rien autre. Ô Ram, rends pur l'esprit de Ramdas. Que nulle pensée de mal n'y entre.

Ô Ram, Tu es partout ; ô Ramdas, tu n'es nulle part.

Ô Ram, Ta volonté seule règne ; ô Ramdas, tu n'as pas de volonté.

Ô Ram, Tu es la seule réalité,

Ô Ramdas, tu n'as pas d'existence.

Ô Ram, partout Ton amour pénètre. Partout brille Ta lumière. Ta félicité absorbe tout. Ram, Tu es Lumière, Amour et Félicité. Ramdas, tu vis en cette Lumière, en cet Amour, en cette Félicité. Ramdas, tu n'as pas d'existence séparée. Tu es libre, libre comme l'Amour, libre comme la Lumière, libre comme la Félicité. Aime tout, éclaire tout, partage avec tout la Félicité. Tu es tout et tout est toi. Toi et tout, c'est Ram, Ram en Sa gloire. Ram est un. Ram apparaît comme plusieurs. L'un, c'est vérité. Plusieurs, c'est fausseté. Un partout Un, et c'est Ram. Ramdas, ta volonté est la volonté de Ram. Ne vis que pour l'amour de Ram. Ram t'a rendu fou de Lui. Béni es-tu, Ramdas. La folie de Ram est tout pour toi, la folie de Ram est tout pour tous. En cette folie, il n'est peine, perplexité, ignorance, faiblesse, chagrin, haine, il n'est nul mal. Cette folie est tout Amour, Lumière, Félicité, Force, Puissance, Sagesse, elle est tout bien.

Ramdas, tout louange, tout honneur, tout respect est pour Ram, car tes paroles, tes actions, ta pensée, tout est un nom de Ram, pour l'amour de Ram, inspiré par Ram, fait par Ram, pensé par Ram, écouté par Ram. Tout en Ram, par Ram, à travers Ram, sur Ram, au sujet de Ram, pour Ram, pour Ram. Tout Ram, Ram, rien que Ram. Om Sri Ram, Om, Om, Om. Ram, Ram, Ram. Telle est la folie de Ram. La magnifique folie de Ram, pleine de Félicité, pleine de Lumière, pleine d'Amour, pleine de Ram. Pas de pensée sauf de Ram. Pas de travail sauf celui de Ram. Pas de paroles sauf sur Ram. Parole en Ram, travail en Ram, pensée en Ram, silence en Ram, sommeil en Ram, rêve en Ram, Ram est en tout, tout est en Ram. Ram est tout, tout est Ram. Om Sri Ram !

Ram est forme, Ram a pris forme. Ram est avec forme, Ram est sans forme. Ram est être, Ram est non-être. Ram apparaît, Ram disparaît. Ram sait, Ram ne sait pas. Amour et haine sont en Ram. Lumière et ténèbres sont en Ram. Félicité et douleur sont en Ram. Sagesse et folie sont en Ram. Force et faiblesse sont en Ram. Et cependant Ram est par delà tous ces contraires, non attaché par Amour et haine, Lumière et ténèbres, Félicité et douleur, Sagesse et folie, Force et faiblesse. Om, Om, Om. Ram, Ram, Ram. Paix, paix paix. Ô Ram, Tu es le point où se joignent Lumière et ténèbres, où se joignent Force et faiblesse. Om Sri Ram. Tu es Paix, immobilité ~ inchangeable, inébranlable, éternel, infini ~ tout-puissant, inconcevable, incompréhensible. Om, Om, Om.

Il y a deux échelles - Amour et haine - ô Ram, qui jaillissent de Toi. Pour T'atteindre, c'est-à-dire pour monter, c'est l'échelle d'amour qu'on prend. Pour Te quitter, c'est-à-dire pour descendre, c'est l'échelle de haine. L'Amour mène à l'unité ; la haine mène à la différence. L'unité est bonheur. La différence est misère. Aussi, ô Ramdas, choisis la montée d'Amour qui te mène à l'ultime Paix - immortelle et éternelle - qui est Ram. Si tu quittes Ram, la haine te fait descendre jusque à sombrer dans la douleur, la peur et la mort. Om Sri Ram !

Ramdas, n'aie pas d'orgueil. Sache que nul au monde ne t'est inférieur. Tous méritent d'être traités avec respect et amour.

Que ton esprit, ô Ramdas, constamment tourne le rouet de Ram smarana et, le temps venu, tu lui feras porter le blanc khaddar de la Pureté.

Ô Ram, Ramdas est Ton esclave, tout entier Ton esclave. Il T'implore de veiller sévèrement sur chacune des actions qu'il fait, chacun des mots qui tombent de ses lèvres, chacune des pensées qui viennent en son esprit. Ô Ram, veille à ce que rien qui ne soit digne de Toi ou que Tu ne puisses accepter ne soit fait, dit ou pensé par Ton esclave. Que les actions de Ramdas soient toujours justes et bonnes. Que ses paroles soient toujours saintes et pures. Que les actions de Ramdas, ses paroles et ses pensées émanent directement de la méditation sur Ton Etre divin. Om Sri Ram !

Ô Ram, quel être de gloire Tu es ! Ramdas pose sa tête à Tes pieds sacrés. Daigne répandre Ta pleine clarté sur Ton esclave. Fais-le Tien, entièrement. Ramdas n'a d'autre refuge que Toi, d'autre parent que Toi, d'autre guide que Toi, d'autre maître que Toi, d'idéal plus haut que Toi. Aie pitié, ô Ram, aie pitié ! Et surtout, ô Ram, veille à ce qu'il ne T'oublie jamais. T'oublier, c'est pour lui la destruction totale. Ramdas ne peut en supporter l'idée. Ô Ram, Ramdas se confie à Toi, pleinement. Il sait que ce qu'il demande, Tu le donnes aussitôt. Fais qu'il vive toujours en Toi, en Toi seul. Om Sri Ram !

Ô Ram, sauve, sauve Ton enfant, Ton esclave. Que chaque fibre de son être tressaille à la musique de Ta folie ; que le sang même de ses veines afflue sous la furie de Ta folie ; que ses os même se brisent et se fracassent sous les coups répétés de Ta folie ; que tout son corps frémisse, tremble et chancelle sous l'avalanche de Ta folie. Om Sri Ram !

Monte, monte, ô Ramdas - au dessus de tout, vole. Plane dans les cieux, mêle-toi au flot de lumière que verse le glorieux soleil. Sois baigné dans l'air raréfié de ces hauteurs. Que t'absorbe l'espace même. Où es-tu alors, Ramdas ? Ramdas n'est nulle part. Ramdas n'est plus que folie, Ramdas n'est qu'un rien, un rien tout vide. La Vérité, la grande Vérité, Ram, t'a dévoré - et tu n'es plus, tu n'es plus, tu n'es plus. Om Sri Ram !

Ô Ramdas, deviens un avec le vert du feuillage. Perds-toi en la splendeur de la lumière. Fonds-toi dans les brumes des montagnes. Sois le souffle du vent, le bleu du ciel, les teintes dorées de l'aurore, la quiétude de la nuit. Om Sri Ram !

Ô Ram, Tu es bonté, Tu es amour, Tu es la grande Vérité. Que Ramdas soit toujours cramponné à Toi. Qu'il ne lâche jamais prise, sa prise sur Toi. Que toujours il T'étreigne fermement. Que toujours il vive avec Toi, en Toi. Qu'il ne soit jamais séparé de Toi. Que toujours il demeure en Ton embrassement. Ô Ram serre toujours en Tes bras Ton esclave et ne le lâche jamais. Rends-le intrépide, audacieux et ferme - ferme en ses voeux, ferme en sa foi en Toi. Que le contact avec le monde jamais ne l'affecte. Ramdas, rappelle-toi toujours que tu es seul dans le monde avec Ram.

Ramdas, malgré la grâce illimitée que Ram verse sur toi, tu es encore faible. Ramdas tu es encore petit et insignifiant, plein d'imperfections, plein de défauts. Pleure, pleure, sanglote, sanglote. Ô Ramdas, pleure. Ôte, ô Ram, tout cet égoïsme.

Ô Ram, fais surgir une conflagration immense, un puissant déluge de feu, et détruis en ses flammes dévorantes toutes les fautes qui sont en Ramdas. Le feu est allumé, les flammes s'élèvent - les langues rouges de la flamme - ondulantes, sifflantes, dansantes. Jette en ce brasier, sur l'ordre de Ram, ô Ramdas, d'abord ahamkara, puis kama, krodha, lobha, moha, matsara , l'un après l'autre, vite, vite. Bien, les voilà tous jetés. Attise la flamme, ô Ram. Ils brûlent, ils brûlent ! Ils volent en fumée. Ils retombent en cendres. Gloire à Toi, ô Ram. Et voici que le feu cesse et se répand un grand calme - la quiétude du repos céleste empli d'un enchantement d'Amour et de Paix, empli de la douceur de Ram. Liberté, liberté, ô liberté, ô mukti . Om Sri Ram !

Ô Ram, Ton esclave est complètement sous Ta protection. Tu es son seul refuge. Il ne dépend que de Toi. Qu'à tout moment Ton doux Nom soit dans ses pensées. Ô Ram, rends pur l'esprit de Ramdas - nettoie-le de toute pensée mauvaise et indigne. Ô Ram, Ramdas est à Toi. Rappelle-toi, ô Ramdas, que tu ne vis que pour Ram. Tu ne vis pour rien d'autre, pour nul autre. Ram est la fin et le but de ton existence. Ta vie même est enlacée à Ram. Ô Ram, rends la foi de Ramdas à jamais inébranlable, à jamais ferme. Que toutes les pensées, les actions, les paroles de Ramdas viennent directement de Toi ~ sur Ton ordre ~ en Ton nom et pour l'Amour de Toi seul. Que la personne de Ramdas se fonde en Toi. Fais de lui Ta demeure, ou fais de Toi sa demeure, l'un à l'autre étroitement mêlés. Que pas un instant ne les voie séparés, qu'ils restent confondus, soudés ensemble pour toujours et à jamais. Toi Puissance, ô Ram, Toi Lumière, Toi Félicité, Toi l'immense et unique Vérité, ô Ram. Ton esclave Te prie, Te supplie, T'implore, crie vers Toi, pleure devant Toi, se prosterne devant Toi. Ô Ram, aie pitié de Ton esclave ; qu'il soit Tien, qu'il soit Tien. Ram, bénis, bénis Ton esclave. Bénir Ton esclave, c'est bénir le monde. Aimer Ton esclave, c'est aimer le monde. Ô Ram, ô Amour infini, entre dans l'être même de Ramdas et vis en lui et épanche Ta Lumière, Ton Amour et Ta Félicité. Om Sri Ram !

Ô Ram, une aube point - une aurore brillante dans le coeur de Ramdas. Un flot de Lumière, un éclair d'Amour, une irruption de félicité. La pureté habite là où est Ram. Il entre, et tout le mal fuit. Le soleil se lève, toute obscurité se dissipe. Ô Ram, grande est Ta gloire. Le moment même où l'on fait appel à Toi, Tu écoutes et Tu exauces. Ô Mère, comme elle grande, Ta bonté. Comme il est beau, Ton amour, comme il est tendre, comme il est doux, comme il est plein de grâce, comme il est vrai, comme il est vivifiant, comme il est rafraîchissant, comme il est bon, comme il est durable. Ô Ram, il est à Toi, Ton esclave, il est à Toi, à Toi. A Toi ceci, Ton enfant, à jamais, à jamais, à jamais. Om, Om, Om, Sri Ram !

Plus haut, toujours plus haut monte la pensée jusqu'à se perdre dans l'incompréhensible. Plus profond, toujours plus profond descend la pensée jusqu'à se perdre dans l'insondable. Plus vaste, toujours plus vaste s'étend la pensée jusqu'à se perdre dans l'inexplorable. Plus serrée, toujours plus serrée se contracte la pensée jusqu'à se perdre dans l'impensable. Om Sri Ram !

L'Amour élargit le coeur et la haine le contracte. Rien de plus suave que l'Amour. Rien de plus amer que la haine. L'Amour est naturel. La haine est non-naturelle. L'Amour crée et la haine détruit. L'Amour est un paysage charmant et frais. La haine est un désert aride et sans joie. L'Amour est harmonie. La haine est chaos. L'Amour est lumière. La haine est ténèbres. L'Amour est félicité. La haine est misère. L'Amour est vie. La haine est mort. L'Amour est pureté, la haine est impureté. L'Amour est beauté. La haine est laideur. L'Amour est santé. La haine est une maladie. L'Amour est musique suave. La haine est un bruit discordant. L'Amour est sagesse. La haine est ignorance. L'Amour est activité. La haine est léthargie. L'Amour est ciel. La haine est enfer. L'Amour est Dieu. La haine est illusion. Om Sri Ram !

Ô homme !

Où est la douceur - elle est en Toi.

Où est l'amertume - elle est en Toi.

Où est le bonheur - il est en Toi.

Où est la misère - elle est en Toi.

Où est la lumière - elle est en Toi.

Où sont les ténèbres - elles sont en Toi.

Où est l'Amour - il est en Toi.

Où est la haine - elle est en Toi.

Où est la chaleur - elle est en Toi.

Où est le froid - il est en Toi.

Où est le bien - il est en Toi.

Où est le mal - il est en Toi.

Où est la vérité - elle est en Toi.

Où est la fausseté - elle est en Toi.

Où est la sagesse - elle est en Toi.

Où est l'ignorance - elle est en Toi.

Où est le ciel - il est en Toi.

Où est l'enfer - il est en Toi.

Où est Dieu - il est en Toi.

Où est l'illusion - elle est en Toi.

Om Sri Ram !

Ram est le réservoir de nectar fait de Lumière, d'Amour et de Félicité. Ô Ramdas, plonge en cette ambroisie - coule, nage, danse, non, noie-toi en elle. Om Sri Ram !

Ram est effluve de parfum fait de Lumière, d'Amour et de Félicité. Ô Ramdas, fonds-toi en cette vague de senteur, plonge, joue, folâtre, non, perds-toi en elle. Om Sri Ram !

Ram est arc-en-ciel de couleurs fait de Lumière, d'Amour et de Félicité. Ô Ramdas, contemple ce paradis de couleur ; sois-lui uni, soudé, sois imprégné de lui, non, sens-toi un avec lui. Om Sri Ram !

Ram est musique de sons pleins de Lumière, d'Amour et de Félicité. Ô Ramdas, bois à cette fontaine vibrante, titube, chancelle, éveille-toi, non, meurs dans son ivresse. Om Sri Ram !